Découvlire Nouvelle circulaire n°4, Zénon

  • Par sautize
  • Le 01/07/2022
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Nouvelle circulaire n°4, Zénon

La station debout sur ses deux pieds est d’autant plus fragile que le corps est immobile.  Même en terrain stable et plat, le mouvement gagne la partie contre la position statique. S’il s’agit de surcroît d’une planche incurvée et d’un épaulé-jeté, l’équilibre est en péril … Bref, de cette histoire tenue à bout de bras, ni le départ ni l’arrivée ne semblent bien assurés. L’objet de cette histoire et les objets qui la composent ont cependant belle allure. La parcourant, nous rencontrons un cornet, acoustique ou pot d’échappement, les deux sont liés dans l’expression sourd comme un pot. Une sorte de bol ajoute à la partie pavillonnaire. La découpe de boules a ruiné ma carrière de bouliste et m’expose à de franches inimitiés. Sur le promontoire se dresse un chien de fusil bien éveillé, que prolonge l’anneau gauche d’une paire généreuse de ciseaux embrassant à pleine bouche le parfait mouvement de la demi-révolution, à laquelle est suspendue, solidaire, une lune à moitié. Comme souvent, l’humeur est vagabonde, la pensée fugace s’échappe dans les cieux. Tout semble tant assumé, cependant, de ce côté-ci du tableau. Jeu d’opposition de formes avec la pointe verticale sur un fond bleu, flèche perdue de Notre-Dame de Paris ou Fernsehturm de l'Alexanderplatz de Berlin, toutes les audaces évocatrices sont permises avec une flèche. En cet instant du récit, il est tentant d’opérer un rapprochement avec les célèbres Paradoxes de Zénon, parmi lesquels la flèche qui ne peut se mouvoir ou Achille qui ne peut rattraper la tortue. Pour le premier, imaginons une flèche en vol. Zénon conçoit qu’elle reste immobile parce que, à tout moment donné, elle se trouve à un point déterminé de l’espace ; donc, à chaque instant, elle est au repos (1). Autrement dit, si le temps est une succession d'instants et que chaque instant est un moment où le temps est arrêté, la flèche est toujours immobile, le mouvement impossible. Il s’agit là de contradictions dans le raisonnement, une aporie nous dit le dictionnaire (1), que depuis lors les outils mathématiques ont permis de lever. La résolution de ces paradoxes n’altère en rien leur beauté, ni celle des vers contenus dans la vingt-et-unième strophe du cimetière marin de Paul Valéry : Zénon ! Cruel Zénon ! Zénon d’Élée ! / M’as-tu percé de cette flèche ailée / Qui vibre, vole, et qui ne vole pas ! / Le son m’enfante et la flèche me tue ! / Ah ! le soleil… Quelle ombre de tortue / Pour l’âme, Achille immobile à grands pas !

Terminons là notre propre révolution avec deux autres éléments qui participent de cet élan céleste. Le premier est un anneau nasal pour bovin prolongé de sa tige ; silhouette qui n’est pas sans rappeler la fière et bravache posture du matador, reins creusés, torse bombé. Le mouvement tout en verticalité ondulante se poursuit et s’achève avec la queue préhensible à l’allure musicale de l’hippocampe, encore qu’elle dût s’enrouler vers l’intérieur. Parachevant ce tour de piste, des petits personnages, clous fraîchement sortis de l’estampure du fer à cheval, veillent au bon équilibre de l’édifice.

(1) https://www.cnrtl.fr/definition/aporie

Découvlire la Nouvelle circulaire n°4, Zénon

 

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