Articles de sautize
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Novembre 2021: Annonce d'un nouveau cycle de travail
- Par sautize
- Le 14/09/2022
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Sautize, artiste sculpteur, glaneur d’idées1 et de mots2, assembleur d’objets et de de matériaux, restaurateur de liens jamais rassasié, prince du détour et de la note de bas de page
Les citations sont les béquilles d’une pensée encore incertaine a dit Jorge Semprun. Aussi m’appuierai-je sur celle-ci, de Jean Dubuffet : Ce qui importe dans une technique c’est de ne pas la maitriser. Il m’arrange en effet de penser qu’à la différence de l‘objet d’art (artisanat) qui confine à la perfection du geste et d’une technique de fabrication maitrisée, l’œuvre d’art s’offre en fragilité, en incomplétude, touchant à ce que chacun ne donne pas à voir mais à ce qu’il ressent.
De ma démarche artistique, j’ajoutais précédemment… Si le métal est dur, se laisse tordre, fondre en larmes de feu, le bois est tendre, se laisse peu plier, pas prier pour être ramassé, recueilli, et l'un et l'autre s'assemblent, se conjuguent, s'habillent, se déshabillent, en couleurs ou noir et blanc... Concentré d'énergie, chaque sculpture est une histoire, recréation du monde, entre douleur et grandeur, ôtant de nos âmes la poussière du quotidien... Ok, je maintiens, cependant qu’entré de plain-pied dans l’aire de la maturitude3 (avant l’aire de repos), libéré de quelques contraintes et pesanteurs, une nouvelle ère commence, un cycle nouveau …
Sautize se met au fer4 et s’encanaille5
Je vous invite donc à découvrir les « Nouvelles circulaires6 » et vous sais gré de votre fidélité.
Artistiquement vôtre. Sautize
- … et non glandeur inné comme j’en entends certains
- Beau joueur de mauvais jeux de mots
- Contraction de maturité et décrépitude
- Clin d’œil à mes amis alsaciens
- Littéralement : se met à la couleur
- Explications dans l'album photos...
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Nouvelles circulaires Avant-propos
- Par sautize
- Le 01/09/2022
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Nouvelles circulaires de Sautize
Il est des périodes dans la vie où il fait bon rester en zone confortable, se regarder le nombril ou se mettre en boule ; faire le dos rond pour en sortir rasséréné. A défaut d’hiberner. Six mois c’est long quand on sait qu’après il y a l’éternité.
2021 a marqué le début d’un nouveau cycle de travail sur le recommencement, la réitération, la même histoire déclinée en variations et variantes d’objets, de formes et de couleurs. Les Nouvelles circulaires animent et alimentent depuis lors une part grandissante de mon travail. Juste retournement des mots et foin de la nomenclature administrative, le terme de circulaire vient ici qualifier la nouvelle. Empruntant à ce qu’est la nouvelle en littérature - un court récit dont la fin est en suspens - le récit des Nouvelles circulaires se veut poétique et organisé en un circuit. Le regard s’y pose en un quelconque endroit. Se crée le début d’une histoire, sa propre histoire, suivant l’enchainement des pièces hétéroclites. Revenant à son point de départ, le regard n’est plus le même, le récit peut reprendre, partant ou pas d’un autre point, dans un sens ou dans l’autre. C’est une histoire sans fin et c’est ainsi que l’antinomie même des deux termes associés, circulaire et nouvelle, forge à mon endroit, en quelque sorte, une totalité rassurante voire un cadre idéal de création.
La Nouvelle circulaire possède cette vertu. Je suis en boucle, concentré sur mon chemin, je connais le point d’étape mais non la fin du voyage. Je suis confiant car je sais les principes qui guident les pas de ma danse : une ligne étirée, des formes courbes, du mouvement, de l’équilibre, des couleurs, de l’insolite, de l’humour… Dans le même temps je suis la boucle qui intègre les éléments matériels qui vont progressivement trouver place, issus de la mécanique, de l’outil agricole, de la plomberie, de l’industrie, du hasard ou de la déchèterie. L’atelier s’en trouve délesté et c’est tant mieux tant le poids des années pèse sur son plancher.
La Nouvelle circulaire n°1 est appelée Jouissance. Cette jouissance de pouvoir donner place à des objets et matériaux déclassés vaut pour toutes les Nouvelles circulaires. Elle est une autre façon d’exister, dès lors que l’objet qui en résulte prend corps. Et âme, quoiqu’inanimé.
Dans mon rôle de sculpteur-assembleur, le soudage est mon territoire et les mots pour le dire ne sont jamais loin. Mais pourquoi écrire à propos d’une sculpture ? L’œuvre ne suffit-elle pas ? Jusqu’ici j’ai donné un titre à mes sculptures, petit supplément comme un dernier habillage, une coquetterie, une piste, une note poétique, un message décalé. Nulle autre indication cependant, bien inutile au regard des œuvres exposées.
Pour les Nouvelles circulaires, un simple numérotage des œuvres devait suffire. Il n’était pas dans mon intention d’écrire le récit de chacune des Nouvelles circulaires, laissant chacun à l’épreuve de son émotion et de la signification. J’invitais alors à imaginer ce que pouvait être une histoire en mode circulaire, toujours recommencée, et libre à celui qui le souhaite d’en explorer les voies. C’est au cours des échanges avec les visiteurs que le dessein ou le défi d’écrire s’est imposé… N’y aurait-il pas quelque paresse, voire égoïsme, à toujours affirmer que dans la construction du sens d’une œuvre, la première partie appartient à l’auteur, la seconde à l’observateur qui s’approprie l’œuvre ? Très bien très bien me rétorquait-on, mais, sauf à considérer que l’emploi de matériaux-couleurs-formes-mouvement-espaces dispense de faire usage de mots, quel sens donnez-vous alors à votre première pierre ?
Aussi me suis-je pris au jeu de mon propre jeu discursif. Certes, dans le premier temps de la création comme en phase opérationnelle artistique (OPART), les matériaux-couleurs-formes-mouvement-espaces, sans oublier les outils, prennent le dessus. C’est l’en-deçà, le temps des ions, impressions, sensations, émotions. Imagination. Agitation. D’une effervescence sans mot bien reposante, encore qu’il faille toujours compter sur la jactance de la voix intérieure. Emulsion. Les images occupent le territoire, puis les mots surgissent, et d’autres images naissent. Quelques conflits d’intérêt, quelques chamailleries mais tout, progressivement, s’ordonne et concorde.
Ce sont ces mots que j’ai convoqués rétrospectivement et force est de constater que les petits textes livrés ici, propres à chacune des quinze œuvres plastiques présentées, sont devenus tout autre chose, ni simple narration, ni seule description. Un brin de poésie, un autre éclairage, quelques détours, le son de ma cloche, ou peut-être simplement un nouvel écran de fumée...
Comme lors des expositions des Nouvelles circulaires, j’invite tous ceux dont l’imagination serait en panne et tous ceux qui veulent aller plus loin, à la lecture de ces courtes histoires qui, dans tous les cas, seront à refaire (1). Car ce que j’écris d’une œuvre sera toujours plus pauvre que ce que le cœur vous en dit.
- Voir ci-après la notice mode d’emploi, telle qu’elle fut affichée lors d’une exposition
Notice mode d’emploi pour découvlire une Nouvelle circulaire de Sautize
1ère étape : découverte de l’œuvre en toute liberté d’observation, sans autre guide que son imagination.
2ème étape : pour aller plus loin, l’idoine position serait la suivante :
- debout face à l’œuvre, la dominant légèrement, prendre en main le texte s’y rapportant.
- en commencer la lecture, passant du texte à l’œuvre, de l’objet à ce qu’il en est dit.
3ème étape : le tour de l’œuvre étant achevé, se poser - demander une chaise si besoin – pour en relire le seul texte qui trouvera là toute son unité interne.
4ème étape : retour à la première étape, pour une nouvelle déambulation dans l’œuvre, fort de son innocence éclairée.
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Découvlire Nouvelle circulaire n°1, Jouissance
- Par sautize
- Le 16/08/2022
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Nouvelle circulaire n°1, Jouissance
Petit cicrcuit ouvre la voie.
Le nombre de pièces qui composent cette première sculpture du cycle des Nouvelles circulaires est modeste.
Seize. Sculpture délardée. Seize morceaux rustiques font une élégante.
Sculpture par assemblage hétéroclite ; jouissance de pouvoir donner place à des objets et matériaux déclassés.
Ce fut d’abord un bout de manche de faux demeuré seul, après que le manche dans son presque entier a servi dans une autre œuvre (1). La sculpture par assemblage étant faite de rencontres, l’élu fut un couvercle d’un objet non identifié qui présente, lui aussi, un orifice en bouche. Les deux bouches s’alimentent, reliées l’une à l’autre par un tube coudé. Début d’une grande aventure.
J’ai bien connu la faux du temps de sa pleine activité, qui était aussi mienne. Je l’ai sacrifiée sur l’autel de mon sombre atelier. Une mort pour une double résurrection, fameuse opération. Le bout de manche de faux placé de guingois sur sa jupe à moitié, elle-même tenue par un large anneau, s’érige en une sorte de tétine inversée, à laquelle semble s’accrocher ce double corps rouge découpé de telle façon qu’il serait hasardeux d’en révéler l’origine. Cette confession ne manquera pas de rassurer les visiteurs impuissants à donner le sens de cette forme énigmatique. L’un d’eux cependant a décelé, dans le fond, l’image du phoque au cerf-volant. Quelle imagination !
Livrée sans autre clarté que celle du jour, l’œuvre s’expose, s’ouvre à toutes les interprétations. Finalement c’est heureux. Il semble que le sens de l’histoire restante ne souffre d’aucune contestation. C’est l’histoire d’une silhouette gracile à la vêture légère sous un chapeau pointu accroché aux nuages, prélude d’une fugue amoureuse.
- Sculpture intitulée Expérience cymbalistique en milieu naturel (1er élément)
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Découvlire Nouvelle circulaire n°2, Liseur
- Par sautize
- Le 03/08/2022
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Nouvelle circulaire n°2, Liseur
D’un tour de clef des champs, prenons la pause. C’est la quête du liseur, tout en tubes, en arrondis, qui lui confèrent plasticité, ainsi que son point d’équilibre. Le pied du siège est extrait d’un outil agricole non identifié, la position est stable.
Prenons soin du liseur ! Ainsi peut-on comprendre l’initiative de la forme de couleur rouge et parler d’initiative si cette forme est le majordome dévoué à la cause du liseur au col rose. Mais peut-être est-il tout simplement le dossier même du fauteuil tenant à bout de bras la demi boule de pétanque qui est ici chapeau protecteur.
L’impression de quiétude se dégage du tableau. Pipe et lutrin, deux mots anciens.
Les conditions matérielles sont réunies, le liseur est tout à son affaire et médite, deux vers en soutien, les derniers de la fable qui ouvre le livre situé en prologue du premier recueil des Fables de La Fontaine, À Monseigneur le Dauphin. Le livre fut publié en 1668. La Fontaine s'adresse au Dauphin, Louis de France, fils de Louis XIV et de Marie-Thérèse. La fable commence par une allusion au premier vers de l'Énéide de Virgile, Je chante les héros dont Esope est le père..., et se termine par cette adresse au Dauphin, Et si de t'agréer je n'emporte le prix, J'aurai du moins l'honneur de l'avoir entrepris. Entretemps, La Fontaine aura présenté une partie de sa méthode… Je me sers d'Animaux pour instruire les Hommes.
Nulle autre instruction dans ce tableau. L’horloge n’indique pas le temps, les pensées continuent leur chemin.
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Découvlire Nouvelle circulaire n°3, Funambule
- Par sautize
- Le 16/07/2022
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Nouvelle circulaire n°3, Funambule
Regarder cette scène n’exige pas de savoir si le croisement dans un même plan vertical de tiges de fer cintrées de section carré est l’échevellement d’une tignasse rouge, ou bien des flammes ou bien des flots. Peut-être une montagne. On y lit le mouvement, l’élan et l’allant d’un personnage funambulesque dont le corps et la tête, quoiqu’étant reconstitués dans un ordre différent, appartenaient à la même paire de gros ciseaux de jardinage. Le corps en était son milieu, l’anneau droit en est sa tête. Remarquons la perfection de l’incurvation de l’anneau dans lequel l’index se glissait en toute confiance pour accomplir sa tâche, assuré du soutien de l’avantageuse paroi intérieure. Est-ce à dire que le personnage fend l’espace ? Il s’élève et s’avance et passe entre les voiles aux extrémités d’une longue forme verticale, en un losange étiré, dont il tient fermement les deux montants. Solides jambes alignées, la pose ainsi en impose. Quelle aisance ! Nul besoin de balancier, le bâton est planté dans le socle et dans le ciel.
Cependant je m’interroge tandis que le brave gravit. Etant dans le sens du vent, n’est-il pas dans le sens opposé au mouvement général de l’œuvre ? A la proue du navire fantôme, la tête noire d’une silhouette en boomerang, sans grand relief. Renouveau d’une pièce du mécanisme d’un meuble escamotable, il campe sur deux pattes fines en simple cingle et semble tirer tout l’édifice, aidé en cela par un fer plat à la cambrure élégante qui le traverse aux flancs et possède à ses extrémités deux puissantes volutes contrariées. Celle du bas est couplée à ce qui fut sans doute une poignée de serrage légèrement incurvée. Ses deux bras, qui sont en croix, et la robe verte au sol, taillée dans une pièce agraire qui a fait son temps, confèrent à l’ensemble un air de mater dolorosa enfantant un arc, image très licencieusement poétique pour parler du parallélogramme aux deux voiles en triangle. Quant à la volute supérieure, je ne saurais l’oublier. C’est d’elle que sont parties les chemins de cette histoire, et c’est elle qui porte le toit de l’édifice, au bout duquel.
Un astre.
Et trois nuages.
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Découvlire Nouvelle circulaire n°4, Zénon
- Par sautize
- Le 01/07/2022
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Nouvelle circulaire n°4, Zénon
La station debout sur ses deux pieds est d’autant plus fragile que le corps est immobile. Même en terrain stable et plat, le mouvement gagne la partie contre la position statique. S’il s’agit de surcroît d’une planche incurvée et d’un épaulé-jeté, l’équilibre est en péril … Bref, de cette histoire tenue à bout de bras, ni le départ ni l’arrivée ne semblent bien assurés. L’objet de cette histoire et les objets qui la composent ont cependant belle allure. La parcourant, nous rencontrons un cornet, acoustique ou pot d’échappement, les deux sont liés dans l’expression sourd comme un pot. Une sorte de bol ajoute à la partie pavillonnaire. La découpe de boules a ruiné ma carrière de bouliste et m’expose à de franches inimitiés. Sur le promontoire se dresse un chien de fusil bien éveillé, que prolonge l’anneau gauche d’une paire généreuse de ciseaux embrassant à pleine bouche le parfait mouvement de la demi-révolution, à laquelle est suspendue, solidaire, une lune à moitié. Comme souvent, l’humeur est vagabonde, la pensée fugace s’échappe dans les cieux. Tout semble tant assumé, cependant, de ce côté-ci du tableau. Jeu d’opposition de formes avec la pointe verticale sur un fond bleu, flèche perdue de Notre-Dame de Paris ou Fernsehturm de l'Alexanderplatz de Berlin, toutes les audaces évocatrices sont permises avec une flèche. En cet instant du récit, il est tentant d’opérer un rapprochement avec les célèbres Paradoxes de Zénon, parmi lesquels la flèche qui ne peut se mouvoir ou Achille qui ne peut rattraper la tortue. Pour le premier, imaginons une flèche en vol. Zénon conçoit qu’elle reste immobile parce que, à tout moment donné, elle se trouve à un point déterminé de l’espace ; donc, à chaque instant, elle est au repos (1). Autrement dit, si le temps est une succession d'instants et que chaque instant est un moment où le temps est arrêté, la flèche est toujours immobile, le mouvement impossible. Il s’agit là de contradictions dans le raisonnement, une aporie nous dit le dictionnaire (1), que depuis lors les outils mathématiques ont permis de lever. La résolution de ces paradoxes n’altère en rien leur beauté, ni celle des vers contenus dans la vingt-et-unième strophe du cimetière marin de Paul Valéry : Zénon ! Cruel Zénon ! Zénon d’Élée ! / M’as-tu percé de cette flèche ailée / Qui vibre, vole, et qui ne vole pas ! / Le son m’enfante et la flèche me tue ! / Ah ! le soleil… Quelle ombre de tortue / Pour l’âme, Achille immobile à grands pas !
Terminons là notre propre révolution avec deux autres éléments qui participent de cet élan céleste. Le premier est un anneau nasal pour bovin prolongé de sa tige ; silhouette qui n’est pas sans rappeler la fière et bravache posture du matador, reins creusés, torse bombé. Le mouvement tout en verticalité ondulante se poursuit et s’achève avec la queue préhensible à l’allure musicale de l’hippocampe, encore qu’elle dût s’enrouler vers l’intérieur. Parachevant ce tour de piste, des petits personnages, clous fraîchement sortis de l’estampure du fer à cheval, veillent au bon équilibre de l’édifice.
(1) https://www.cnrtl.fr/definition/aporie
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Découvlire Nouvelle circulaire n°5, Narcisse
- Par sautize
- Le 15/06/2022
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Nouvelle circulaire n°5, Narcisse
Ce tableau s’intitulerait Autoportrait d’une bouche en fleur que je n’en serais pas surpris. Deux amples mouvements de manche sans barreau, en toute impudence, traversent la scène. L’un, qui est un rapide et mauve tour d’horizon, présente à l’orifice un miroir de rêves, ou berceau des illusions ; l’autre, dans un plan vertical, est la régurgitation par cette même bouche en fleur, d’un stylet, défini comme une dague effilée et flexible. Notons qu’ailleurs, chez les insectes piqueurs-suceurs, genre punaise ou puceron, le stylet est la pièce buccale piqueuse en forme de soie rigide, allongée dans la cannelure du rostre. Rien de tout cela dans notre affaire, le stylet est crayon ou pointe de dessin. Entre le carnet de dessin et le miroir se tient un arbitre en nacelle. Lui, n’est pas libre de mouvement. Faut-il voir dans cet Autoportrait d’une bouche en fleur une revisitation du mythe de Narcisse ? En voici le résumé en moins de deux-cent quatre-vingt signes. Narcisse s'éprend d'amour pour le reflet de son visage que lui renvoie l'eau au point d’en oublier de boire et de manger. Prenant racine au bord de l'étang, il se transforme en la fleur qui porte son nom et qui, depuis, se reflète dans l'eau à la belle saison, pour dépérir à l'été. Il faudrait bien plus de caractère pour envisager toutes les significations du mythe de Narcisse : estime de soi versus égocentrisme, égoïsme, amour de soi comme refus de l’autre, dédoublement de la personnalité… Chacun porte en soi les mythes sans le savoir et s’il y a mythe c’est qu’il y a universalité, et actualité. Cet autoportrait n’est pas photographique et les matériaux utilisés sont rudimentaires. Faut-il y voir cependant une forme de selfie, cette manière toute contemporaine de se mettre en avant et de se promouvoir, une quête d’admiration dans un miroir inversé ? Nul ne sait en tout cas si ce portrait rejoindra l’impétueux flot des images sur la toile ; transportons-nous plutôt à Rome pour y voir le somptueux Narcisse du peintre milanais Michelangelo Merisi, dit Caravage.
Finalement, peut-être qu’au jour de la réalisation de cette sculpture, j’étais sous l’emprise de l’art floral de Michel Houellebecq... Les fleurs ne sont que des organes sexuels, des vagins bariolés ornant la superficie du monde, livrés à la lubricité des insectes (1). Car depuis lors, l’attention que je porte à toutes les fleurs s’en est trouvée bien modifiée…
- Michel Houellebecq, La carte et le territoire, Flammarion
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Découvlire Nouvelle circulaire n°6, A.Dürer
- Par sautize
- Le 01/06/2022
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Nouvelle circulaire n°6, A.Dürer
Ici on ouvre l’œil.
L’œil est la partie d’un outil où s’adapte le manche.
Deux yeux sont ouverts. Le premier est celui d’une tarière à spirale que l’histoire a déclassée. Ayant perdu son manche, l’œil ici devient tête. La mèche est perpendiculaire à l’œil-tête, en son milieu. Seule la base en est conservée, bout métallique de section carrée qui va se fixer en surface de l’autre œil-tête, issu d’une pelle à manche en bois.
Regards de vieux cabossés qui se parent de leurs qualités et d’insatiété. L’un est habile sur sa roue et se vêt de feuillets. S’approchant on verra qu’on y parle d’Albrecht Dürer, dessinateur, graveur et êintre allemand de la Renaissance. Il fut artiste de la précision dans le trait et, sa vie durant, interrogea son propre visage. A la fin de sa vie, il convint que l'expression suprême de l'art est la simplicité.
A la couleur jaune des feuillets répond le violet du bas du corps d’en face, deux tiges courbées traçant le quartier d’un fruit oblong, ou une voile c’est selon. Deux autres pièces de métal incurvées en prolongent le mouvement, jusqu’au sommet.
Les corps ondulent, le geste est allègre et la pensée flottante. Mouvement, toujours, Immobile à grands pas.
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Découvlire Nouvelle circulaire n°7, Oeuf
- Par sautize
- Le 15/05/2022
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Nouvelle circulaire n°7, Oeuf
Nul ne saura dans cette histoire si l'oeuf en est à l'origine.
En bonne et due forme ovale, il occupe le centre du terrain. Le bras rose le présente dans son écrin et renforce la pâleur du fuselage, comme le corps jaune en proximité suggère l’intensité de son intériorité ; intensité du jaune de l’œuf qui, rappelons-le, dépend de la quantité de xanthophylles - qui sont pigments de la famille des caroténoïdes - que la poule assimile via son alimentation.
L’œuf dans son berceau de bronze nous transporte.
Avant de rejoindre le Centre Pompidou, ayons en tête, pour la bonne compréhension de l’œuvre, que, tout comme la sphère parfaitement ronde, l'œuf, qui est un ovoïde, ou encore l’ovale, qui est un ballon de rugby, appartiennent à l’ordre très convoité des ellipsoïdes.
Détour donc par Paris et le Centre Pompidou qui compte l’un des deux tirages en bronze, Le commencement du monde, sculpture du génial artiste roumain Constantin Brancusi (1876-1957), œuvre dans laquelle le pur ovale, ou plutôt l’ovoïde en bronze poli, est posé dans sa longueur sur un disque en acier tout aussi poli. Les traits du visage de la Muse endormie, création antérieure de Brancusi, se sont effacés au profit de la forme épurée. Ce qui est réel n´est pas l´apparence mais l´idée, l´essence des choses, estimait Brancusi. La perfection de la structure de l´œuf renferme la vie dans sa plus pure expression. Elle lui inspira Le commencement du monde dans sa première version de 1920, un marbre poli, absolument lisse, qui dit tant de choses.
Mais revenons à ce jaune corps en génuflexion, à cette tête toute en crète et à cet œuf du mystère. Deux formes s’opposent en cet instant. A la rondeur toute ovoïde répond le corps cubique du volatile mutin, parallélépipède de couleur neutre affublé d’ailerons aux arêtes tranchées. Ce dernier ne résiste pas au mouvement général. L’ample roue dessinée par une plume de sang séché vient s’immiscer jusque dans les pensées labiles de celui qui reçoit l’offrande, qui consent sa défaite. Les indices concordent : l’organe en berne - ce boulon de section carrée avec filetage forgé d’une vraie main de forgeron il y a si longtemps -, le doigt de la faucheuse prêt à gober l’œuf, le voile de l’infortune sur l’unique roue d’un char à vent sans vent…
Et si fièrement il se redresse, le solide étançon n’en peut mais. La clé bien plate est flageolante, la partie du dessous s’incline.
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Découvlire Nouvelle circulaire n°8, Aide et étai
- Par sautize
- Le 01/05/2022
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Nouvelle circulaire n°8, Aide et étai
Il s’en passe des choses ! Dirigeons le regard vers le bas qui, dans nos représentations, est le théâtre des affrontements, de l’obscur, du rampant, de la piétaille et de l’enfer. Au ras du sol, l’incarnation du crabe à la marche monstrueuse. De ce corps rouge se dégagent, d’un côté trois griffes surmontées d’une paire de pinces à becs plats, de l’autre une exhalaison verte. J’avoue alors penser au pire. Serais-je tombé dans le panneau de droite du Jardin des délices de Jérôme Bosch, l’Enfer ?... Il n’en est rien, le crabe en question n’est point dévorateur, qu’on ne s’y trompe pas ! Si l’une des deux poignées ergonomiques de la pince est prise dans sa mâchoire c’est pour en mieux tenir le carnet de dessin, le tout faisant lutrin. Il en est de même du coude vert, ce gros orifice à l’allure d’escargot duquel il faut voir davantage une sorte de lampe d’Aladin d’où sortirait un bon djinn. Tout est bien qui commence bien. Les trente pièces qui ont servi à la réalisation de cette Nouvelle circulaire semblent converger vers une même destinée : aide et étai. Autre exemple, le noir bipède à deux têtes. Il ne s’agit pas là de l’hydre de Lerne dont le corps était de chien et les têtes de serpent, ces dernières en grand nombre, répandant un dangereux poison. Je relève d’ailleurs que dans l’approche d’une œuvre d’art, l’organe olfactif est rarement sollicité et je peux affirmer sans craindre de me tromper que ce bicéphale bipède, pour l’avoir rudement côtoyé, ne dégage pas de mauvaise odeur. Il est en outre particulièrement serviable et dévoué, certains diront servile et dévoyé. Sa tête de gauche est dominée d’un chapeau haut de forme prolongé d’un ressort. Une main y prend appui et serre ce qui semble être un bout de chevillette de maçon en col de cygne qui tient un bouquet de pensées labiles, fugaces et si changeantes que son auteur peine à les conserver. C’est sans doute la raison pour laquelle le bras tendu est animé de quelques haubans. C’est sans doute la raison pour laquelle un voltmètre analogique datant du milieu du siècle dernier domine l’ensemble, fier comme un paon. S’il y a tension, il intervient, c’est sa mission. Une coupelle en rempart héberge un cylindre de couleur bleu passé qui fait bonne bouille. Il était danois, dans une autre existence, de la marque Danfoss, filtre déshydrateur conçu pour les systèmes de climatisation nécessitant une grande capacité d'élimination de l'humidité. Point d’effusion cependant. Deux personnages se superposent, que chacun cherchera à déceler. L’un est cocher, ses pieds font le mors dans la bouche de la tête de droite du noir bicéphale bipède révélé précédemment. Deux longues tiges encadrent la voile et le corps frêle du second. C’est une bonne Nouvelle.
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Découvlire Nouvelle circulaire n°9, Compte à rebours
- Par sautize
- Le 15/04/2022
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Nouvelle circulaire n°9, Compte à rebours
Sculpture du doute, incertain sens, que fais-je et que dis-je ? J’observe. C’est un circuit court. Empruntant la métaphore à la science électrique, je dirais qu’il est court-circuité, tant le nombre de pièces hors circuit est élevé. J’entreprends par le bas où quelques paires dominent. Deux pièces accolées de couleur noire forment un attelage, chaque figurant est debout sur une roulette sommaire. Encore qu’il faille accepter que de vulgaires morceaux de conduites métalliques découpés en anneau soient apparentés à des roulettes, sans autre forme de process, sans moyeu, sans cuvette, sans rayon. De cet accouplement s’échappent deux tubes coudés, autrement dit deux pots d’échappement miniatures. L’un agit comme la jambe droite relevée d’un pantalon jaune. A noter qu’ainsi les deux pieds ne sont pas dans le même sabot, marque de prudence, de pauvreté ou d’épreuve rédemptrice infligée à soi-même. L’autre, à senestre, est un tube coudé de couleur marron. Il mène tout droit à un gros écrou qui tient tête et supporte plus encore un débitmètre à l’appendice enviable qui est de bronze et non de marbre. Deux robinets de sortie de pression sont de part et d’autre avant qu’une vis de serrage, tenant le bâton, prenne le relais et fasse le lien avec une rouge crémone campée sur deux pattes dont le ressort assure l’effet pince, le tout en une coupelle argentée qui fuit la taille du pantalon jaune évoqué précédemment. A noter que la poignée rose est en position de l’interdit mais qu’importe, le baromètre est au beau fixe, les cartes sont déployées… L’histoire en resterait-elle là qu’elle serait belle mais vaine, rassurante mais pauvre, boucle bouclée et pièces attachées sans histoire… Un détail ne m’a pas échappé, qu’il faut relever dans la partie dissidente au circuit. La couleur mauve y mène, sans doute pas un hasard… De ce qui semble être une cabine, dépasse un vieux boulon à tête ronde collet carré d’où se déploie tout en panache et en une ligne parallèle à l’embout sphérique cité plus haut, un ruban d’un vieux rose, ou rouge de maturité. Nous sommes au sommet, le geste est généreux, c’est une apothéose ! Et pourtant, et pourtant, si j’y prête attention, je vois deux bras enserrant le haut de la tête ronde collet carré du vieux boulon, comme pour le soustraire d’un écho lancinant. L’histoire est du coup moins drôle, si j’y prête l’oreille… Le Compte à rebours Est comme un bruit sourd Qui frappe à la porte De plus en plus fort La voix intérieure Qui se fait entendre Quand on devient sourd Aux cris du dehors…
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Découvlire Nouvelle circulaire n°10, Carburateur
- Par sautize
- Le 01/04/2022
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Nouvelle circulaire n°10, Carburateur
Ce n’est pas tous les jours qu’un carburateur retient mon attention, un beau et gros carburateur qui n’est plus à sa place. Extrait pour raison d’usure ou de malformation du véhicule automobile inconnu, il en est réduit à l’état de rampant. Il assure néanmoins le soutien de l’édifice, y jouant même un rôle virtuel de propulseur. Le dôme de couleur bleu, qui a pris la place de la cuve d’origine, vient en rompre la grisaille. La clef en son milieu équilibre les songes. De ses durites et autres orifices, se dressent différents corps.
Sans d’autre motif que le seul mot de carburateur, je me souviens d’un livre lu il y a quelques années, paru en 2010 aux Etats-Unis, dont le titre est Eloge du carburateur. Réflexion philosophique sur le travail, pamphlet contre les formes modernes et dévoyées de son organisation, plaidoyer en faveur du travail dit manuel, les propos de son auteur, Matthew Crawford, me réjouirent. La ligne de partage n’est pas entre travail intellectuel et travail manuel. Elle est dans le dessaisissement de l’accomplissement de la tâche, la réduction de la place assignée à son auteur, le travailleur, dans la chaîne de production. Matthew Crawford y racontait notamment comment il fut amené à ne pas choisir entre une carrière universitaire en philosophie et la réparation des motos. Surmonter des obstacles, trouver des solutions aux problèmes, agir en responsabilité et dans la complexité, c’est à coup sûr accéder au plaisir et au bénéfice tant intellectuel que psychique que procure le travail, quel qu’il soit. Il y aurait beaucoup à dire. Revenons à notre carburateur.
Remontant dans le sens contraire des aiguilles de l’horloge, on trouve un débitmètre de pression, autrement appelé manostat. Tube et tige et bras levé confèrent à l’ensemble un port altier auquel les deux tubulures de raccordement du manostat ajoutent un air martial, aussitôt démenti par le bolduc rose, ce ruban frise du ridicule, comme une langue tirée trop bien pendue ou la queue en tire-bouchon du cochon. L’œil est là. Œil redoublé devrait-on ajouter, puisque le bolduc s’engage dans une gorge profonde qui n’était autre précisément qu’un œil de pioche, ce bout d’outil dans lequel le manche est engagé. Restons sur cette gorge pour ne conserver qu’un seul œil. Serait-ce ainsi qu’il faut voir ou être vu par la sphère de verre ? Ce n’est pas l’œil du cyclope ou tout autre verre d’Homère, non plus la bulle de savon ou la boule de Noël. C’est un phare gélifié tout simplement, dans sa transparence. Ambiance. La suite n’est que courbes et méandre composant une forme aviaire tenue à bout de bras par un passant de Crémone. L’histoire est à reprendre.
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Découvlire Nouvelle circulaire n°11, Maître-cylindre
- Par sautize
- Le 15/03/2022
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Nouvelle circulaire n°11, Maître-cylindre
En mécanique, le maître-cylindre est un piston hydraulique qui, actionné par la pédale de frein, envoie du liquide sous pression dans le système de freinage. Quel équivalent pourrait-il être inventé pour ralentir l’inéluctable marche du temps qui écrase tout sur son passage ? Et n'allez pas confondre et l'effet et la cause, chantait Léo Ferré, La Mort est délivrance, elle sait que le Temps / Quotidiennement nous vole quelque chose / La poignée de cheveux et l'ivoire des dents. Dans un autre domaine - le lien reste à trouver avec le précédent - quel levier actionner pour réduire l’incessant bruit, les trépidations inutiles, les éructations blessantes, les opinions vaines ? Fausse entité connue de tous, la bêtise est vaste étant ivre de présence (1) …
Abandonnons-nous plutôt au transport joyeux d’une ronde. La légèreté est une ombrelle. Tout est présent dans cette histoire, la puissance et la malice, et le souffle, et le chien qui s’éprend de son maître.
Comme sortie de sa gueule, une langue de belle-mère. C’est ainsi que se nomme cet accessoire de cotillon utilisé dans les occasions festives, sous la forme d’un tube en papier qui se déroule et émet un son tout aussi soudain, strident qu’insupportable. Ici c’est un passant de Crémone qui surgit au bout du tube, une nouvelle fois sollicité pour contenir les mâts de ce grand corps chapeauté, habillé d’une seule voile. A sa tête, une pompe à eau, convertie avec turbine et poulie. Le personnage est d’importance si l’on en croit l‘imposant couvre-chef d’où s’échappe une plume d’or, qui est clef des songes.
Dans cet univers un œil observe, solaire quoique jaune. Par un méandre que le désir réserve, son regard emprunte la clef et se glisse dans le trou de la serrure ancienne disposée en plateau ; il rejoint ainsi le puissant organe violet vers lequel semblent se diriger bien des convoitises. L’hypothèse toute autre, selon laquelle l’œil serait le fruit d’une séminale offrande, reste à explorer.
La queue de ce que nous pensons être un chien dessine une roue. Une nacelle bien pleine s’insère dans le mouvement et le rompt. L’œil s’en détache ou s’y rattache, c’est à chacun de voir. Une large ombrelle protège ses occupants. Par une virgule concupiscente et malicieuse, la suite de la queue fait sourire.
(1) Pardon pour ce détournement du soixante-onzième vers du Cimetière marin de Paul Valéry, La vie est vaste étant ivre d’absence / Et l’amertume est douce et l’esprit clair
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Découvlire Nouvelle circulaire n°12, Envol
- Par sautize
- Le 01/03/2022
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Nouvelle circulaire n°12, Envol
Impression de mouvement, une ligne en dessin, tout en courbes ou presque.
Les objets ont-ils autre objet que de servir cette aspiration ? Un soc de charrue est à la manœuvre. Présence inaugurale, il creuse le sillon de nos interrogations puis se redresse dans une ultime cambrure, et la molle assistance d’une clé à molette. Le sens de l’action ? Qu’importe… Ces vers d’Eluard peut-être : Que sortira-t-il de toi ? / Une danseuse immobile / Blanche très exactement… Tout décolle et devient aérien, une envolée de pages - d’une édition de poche pour Hobbit - des tiges incurvées, un tube coudé, une volute, une ligne serpentine. Dans cet essor m’est revenu un rêve, d’une enfance qui a la vie dure. J’avais pour habitude de sautiller sur place, en toute occasion. Je me rendis compte progressivement qu’il était possible, toujours davantage, de s’élever dans les airs par la puissance des jambes, des bras, l’extension des hanches, des genoux et la flexion plantaire des chevilles. Je pris conscience surtout que je pouvais ralentir la descente, agitant frénétiquement mains et avant-bras. Le maintien prolongé peu à peu en position stationnaire au-dessus du sol fut ma fierté, mon bonheur plus encore lorsque de mes bras-ailes je parvins à assurer non seulement la portance, mais aussi la poussée suffisante pour rejoindre le goéland. Mon dernier vol remonte à quelques années. Fort heureusement, j’ai pu garder contact avec le goéland, compagnon de nage en mer.
Trois rondeurs - deux cercles, une sphère - sont les sommets d’un triangle inséré dans l’édifice en boucle. Trois lignes verticales traversent ce dernier. Le cap de la ligne orientale est donné par un vieux manomètre chapeauté de la volute qui repose sur l’image d’un phare. Nous sommes du côté des arguments de raison : vérifier la pression, guider la navigation. De plus, un bout de guide, fort terrestre celui-ci, enjambe un axe qui perfore de part en part une nacelle : côté extérieur, une rugueuse brosse métallique fait office de turbine ; côté intérieur, une vis de serrage des mors pour étau assure le tragique de la vie dans son fragile équilibre : une clavette au premier plan - si bien suspendue qu’on dirait un malheureux - à l’arrière, l’indication en grande ostentation du temps flamboyant.
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Découvlire Nouvelle circulaire n°13, Homme préssé
- Par sautize
- Le 15/02/2022
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Nouvelle circulaire n°13, Homme pressé
Au premier regard jeté sans ménagement, ou négligemment posé sur la nouvelle Nouvelle circulaire, il semble bien inutile d’y joindre quelques lignes, comme d’ajouter des mots aux maux. Les éléments qui la constituent sont si explicites qu’il en faudrait de l’imagination, trempée dans une mer d’optimisme, pour ne pas voir le drame qui se joue métaphoriquement sous nos yeux. Arrêt sur image d’une image sans fin. La cuillère est centrale, elle recueille le fruit de l’homme pressé qui fut autrefois porte-mèche d’un vilebrequin. Il serait tentant d’établir un lien avec ma propre histoire. Je préfère me rapprocher d’une œuvre d’il y a quelques années intitulée « L’homme révolté ». Le principe en était le même quoique les ingrédients en fussent différents ; une quinzaine de bonhommes s’agitaient dans la cuve en entonnoir d’un vieil hachoir à viande manuel. A sa sortie, des lambeaux et un tas de fer sanguinolent. Sur le manche de la manivelle en position verticale, un homme debout, le poing levé. Vous et moi étions encore jeunes. Ici l’homme pressé est bien seul et constate, avec effroi sans doute, que ni le parachute ascensionnel ni les cartes en main ne lui sont d’un grand secours…
Pure hypothèse cependant ! Il n’est pas dit que l’inverse ne se produisît, que l’homme n’échappât dans un sursaut à la découpe en règle, brandissant du dessous les cartes d’un nouvel horizon ou décrochant la lune et quelques nuages. Le contenu de la cuillère ne serait qu’un leurre, ou un repoussoir. D’ailleurs, pour étayer cette deuxième piste, suivez mon regard et celui de la tête en coffre de serrure ouvert à moitié, au fouillot doré en guise d’œil et au bec en pêne demi-tour, de ce drôle de volatile rencontré en d’autres contrées. Comme se plaît à le dire les enfants, « il fait le beau sur son vélo », si l’on peut parler ainsi du deux-roues vraiment très sommaire qui porte le volatile en question et la suite de l’histoire. Avant cela, je note l’intéressant contraste entre d’un côté les formes rectangulaires de la demi serrure et son pêne demi-tour et, de l’autre, les courbes en fers plats et carré qui se succèdent et dessinent le corps du volatile.
Le regard, disais-je, est dirigé vers le haut. Certains citeraient le ciel et d’autres encore un dieu. Ainsi parlait Booz dans le rêve et l’extase, Tournant vers Dieu ses yeux par le sommeil noyés. Quelqu’un me fit remarquer que j’invitais souvent ce personnage biblique à la table des illustrations. C’est exact, mais dans sa version revisitée par Victor Hugo. J’aime à réciter ce long poème de La Légende des siècles, sous l’œil pétillant de son auteur. Booz est un paysan et un patriarche prospère qui reçoit, la nuit, la visite de Ruth. De cette rencontre surgira une descendance, malgré le grand âge de Booz… Pendant qu'il sommeillait, Ruth, une moabite / S'était couchée aux pieds de Booz, le sein nu / Espérant on ne sait quel rayon inconnu / Quand viendrait du réveil la lumière subite. Ce poème fait partie du « garde-à-manger poétique » auquel j’eus recours (et je cours encore), pour me sortir de situations périlleuses, insomnies, réunions, traversées de toutes sortes du désert au quotidien. Il n’est donc pas impossible que l’homme pressé soit en mesure de s’extraire du pressoir à hélice par la seule évocation de Booz, n’en déplaise à cette forme en noir que notre vive imagination traduit en mauvais génie qui siphonne la marmite. Le mystère demeure quant à la boule dorée qu’il balance à la manière d’un encensoir.
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Découvlire Nouvelle circulaire n°14, Ver mutin
- Par sautize
- Le 01/02/2022
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Nouvelle circulaire n°14, Ver mutin
Le point d’arrivée d’une œuvre d’art est son point de départ, a fortiori pour une composition circulaire. Pour le dire autrement, la première pierre oriente la suite de l’ouvrage. Dans toute Nouvelle circulaire, cette première pierre est métallique. Une fois posée, la seule certitude est le doute. Détours et revirements sont la règle. L’inattendu est attendu.
La pièce initiale de cette sculpture à l’alerte allure fut constituée des deux pans du long manteau noir, deux morceaux qui n’avaient l’air de rien, sinon, les assemblant, de s’évaser et donner à voir une longue échancrure, du haut vers le bas. Où se réfugier. Tronc creusé pour les oiseaux nicheurs. A son sommet, un trône blanc, un écrou rouge et une bille lisse au bout d’un très joli cou torsadé, le ver mutin. Les cartes du ciel donnent le La mais le tube est ailleurs. C’est un tube de section rectangulaire, que deux perches perchent, un corps dominant d’où se dégage une chouette tenaille de menuisier. A sa gauche, comme un bras levé, une voie dont l’issue est un miroir, autrefois rétroviseur pour voir autrui derrière soi. Aujourd’hui l’autre est soi-même. Stop ! Regarde-toi ! s’écrie le miroir facétieux. Il offre son reflet pour que, plus encore qu’à l’accoutumée, la sculpture prenne un tour singulier. A chaque visage sa capture. Une œuvre nouvelle.
J’emprunte votre regard en une victoire éphémère, une empreinte sans trace. Je vous voie et je reprends mon chemin.
Le bras sinueux du tube en l’air mène au col de cygne d’une chevillette de maçon. A ce stade je note que deux sortes de plateaux, en symétrie inversée suivant l’axe du trône, composent le tableau. Le premier est ce chapeau de mousquetaire à la confection duquel les différentes parties d’une pompe à eau ont contribué. Une ex-manette de serrage, de couleur bleue, en constitue le second. Entre ces deux plateformes, un large tube coudé d’un côté, un fil retors de l’autre qui dessinent une silhouette en creux et bosses. Elle enserre le trône et son occupant dans un espace clos. Le regard, nous l’avons vu, est autre part.
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Découvlire Nouvelle circulaire n°15, Voyage
- Par sautize
- Le 13/01/2022
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Nouvelle circulaire n°15, Voyage
Dans cette histoire, le début fut une tige, une simple tige d’acier renforcé communément appelée tige de fer. Le mot fer est plus fort que l’acier, car il y a tout à jouir d’une santé de fer et tout à craindre des enfers. Mais la réalité métallurgique est toute autre. L’acier, alliage de fer et de carbone, est un métal plus dur et plus résistant que le fer seul (le fer solitaire comme il est dit dans en Alsace). La tige d’acier en question, donc en suspens, de couleur marron, possède de surcroît une surface nervurée qui améliorait jadis son adhérence au béton. Car l’objet a voyagé.
Prévu pour servir dans un chantier de construction, la tige métallique est issue d’une aciérie que nos contrées hexagonales ont depuis lors abandonnée. Elle est grignotée sur sa longueur, cinquante-deux centimètres, faiblement picotée par endroits, ailleurs d’une usure prononcée, en cratères et fines crevasses.
L’air marin prononce les rides. La beauté niche dans les ruines.
Tornade imaginaire, la tige, toujours elle, serpentine, cingle sur le haut et se termine en hâte pour se fixer sur la butée du corps de ce qui fut pompe à eau. La forme compacte du rotor, en opposition de volume avec l’ondulante tige, est en suspension dans un nouvel espace, un satellite en orbite. Nous n’en sommes qu’au début, le mouvement s’accélère…
Le voyage n’est pas d’aller d’un point à un autre, il est tout simplement d’aller. Et d’aller-simple.
Deux autres tiges de métal, de moindre diamètre, se rencontrent et font corps d’un volatile. Quand un globe surgit, il devient oculaire, et l’aile paupière. Une tête domine dont le profil répond à l’imagerie d’une Egypte ancienne : un nez d’angle, une longue barbiche et le mouvement d’une coiffe, le Némès. Barbiche et Némès sont des attributs que partagent le pharaon d'Egypte avec les divinités, le différenciant du commun des mortels. Quant au lien avec l’aile d’oiseau, il faut le chercher dans la mythologie grecque, où le sphinx féminin, autrement dit la sphinge, a la tête d'une femme, les hanches d'un lion et les ailes d'un oiseau. À l'inverse de la version égyptienne, la sphinge est impitoyable et dévore ceux qui ne peuvent pas répondre à son énigme, que seul Oedipe saura résoudre(1). La queue du volatile se perd dans la géométrie des songes, eux-mêmes s’échappant d’une grande clé qui est clé du voyage. Une vague se forme - n’y voyons plus une faux - suivie bientôt d’une autre. Des plis en bout de lame se forment, offrant une assise à la malle qui recevra les quelques effets de l’errant.
Un corps est allongé. Ironie du sort, ce fut autrefois un outil de levage. Ce n’est pas comme chez Booz un chêne qui est sorti de son ventre, c’est l’odyssée. Près du gisant, un canard veille.
- Quel être, pourvu d'une seule voix, a d'abord quatre jambes le matin, puis deux jambes le midi, et trois jambes le soir ?