Découvlire Nouvelle circulaire n°5, Narcisse

  • Par sautize
  • Le 15/06/2022
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Nouvelle circulaire n°5, Narcisse

Ce tableau s’intitulerait Autoportrait d’une bouche en fleur que je n’en serais pas surpris. Deux amples mouvements de manche sans barreau, en toute impudence, traversent la scène. L’un, qui est un rapide et mauve tour d’horizon, présente à l’orifice un miroir de rêves, ou berceau des illusions ; l’autre, dans un plan vertical, est la régurgitation par cette même bouche en fleur, d’un stylet, défini comme une dague effilée et flexible. Notons qu’ailleurs, chez les insectes piqueurs-suceurs, genre punaise ou puceron, le stylet est la pièce buccale piqueuse en forme de soie rigide, allongée dans la cannelure du rostre. Rien de tout cela dans notre affaire, le stylet est crayon ou pointe de dessin. Entre le carnet de dessin et le miroir se tient un arbitre en nacelle. Lui, n’est pas libre de mouvement. Faut-il voir dans cet Autoportrait d’une bouche en fleur une revisitation du mythe de Narcisse ? En voici le résumé en moins de deux-cent quatre-vingt signes. Narcisse s'éprend d'amour pour le reflet de son visage que lui renvoie l'eau au point d’en oublier de boire et de manger. Prenant racine au bord de l'étang, il se transforme en la fleur qui porte son nom et qui, depuis, se reflète dans l'eau à la belle saison, pour dépérir à l'été. Il faudrait bien plus de caractère pour envisager toutes les significations du mythe de Narcisse : estime de soi versus égocentrisme, égoïsme, amour de soi comme refus de l’autre, dédoublement de la personnalité… Chacun porte en soi les mythes sans le savoir et s’il y a mythe c’est qu’il y a universalité, et actualité. Cet autoportrait n’est pas photographique et les matériaux utilisés sont rudimentaires. Faut-il y voir cependant une forme de selfie, cette manière toute contemporaine de se mettre en avant et de se promouvoir, une quête d’admiration dans un miroir inversé ? Nul ne sait en tout cas si ce portrait rejoindra l’impétueux flot des images sur la toile ; transportons-nous plutôt à Rome pour y voir le somptueux Narcisse du peintre milanais Michelangelo Merisi, dit Caravage.

Finalement, peut-être qu’au jour de la réalisation de cette sculpture, j’étais sous l’emprise de l’art floral de Michel Houellebecq... Les fleurs ne sont que des organes sexuels, des vagins bariolés ornant la superficie du monde, livrés à la lubricité des insectes (1). Car depuis lors, l’attention que je porte à toutes les fleurs s’en est trouvée bien modifiée…

  1. Michel Houellebecq, La carte et le territoire, Flammarion

St270 2

 

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