Nouvelles circulaires Avant-propos

  • Par sautize
  • Le 01/09/2022
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Nouvelles circulaires de Sautize

Il est des périodes dans la vie où il fait bon rester en zone confortable, se regarder le nombril ou se mettre en boule ; faire le dos rond pour en sortir rasséréné. A défaut d’hiberner. Six mois c’est long quand on sait qu’après il y a l’éternité.

2021 a marqué le début d’un nouveau cycle de travail sur le recommencement, la réitération, la même histoire déclinée en variations et variantes d’objets, de formes et de couleurs. Les Nouvelles circulaires animent et alimentent depuis lors une part grandissante de mon travail. Juste retournement des mots et foin de la nomenclature administrative, le terme de circulaire vient ici qualifier la nouvelle. Empruntant à ce qu’est la nouvelle en littérature - un court récit dont la fin est en suspens - le récit des Nouvelles circulaires se veut poétique et organisé en un circuit. Le regard s’y pose en un quelconque endroit. Se crée le début d’une histoire, sa propre histoire, suivant l’enchainement des pièces hétéroclites. Revenant à son point de départ, le regard n’est plus le même, le récit peut reprendre, partant ou pas d’un autre point, dans un sens ou dans l’autre. C’est une histoire sans fin et c’est ainsi que l’antinomie même des deux termes associés, circulaire et nouvelle, forge à mon endroit, en quelque sorte, une totalité rassurante voire un cadre idéal de création.

La Nouvelle circulaire possède cette vertu. Je suis en boucle, concentré sur mon chemin, je connais le point d’étape mais non la fin du voyage. Je suis confiant car je sais les principes qui guident les pas de ma danse : une ligne étirée, des formes courbes, du mouvement, de l’équilibre, des couleurs, de l’insolite, de l’humour… Dans le même temps je suis la boucle qui intègre les éléments matériels qui vont progressivement trouver place, issus de la mécanique, de l’outil agricole, de la plomberie, de l’industrie, du hasard ou de la déchèterie. L’atelier s’en trouve délesté et c’est tant mieux tant le poids des années pèse sur son plancher.

La Nouvelle circulaire n°1 est appelée Jouissance. Cette jouissance de pouvoir donner place à des objets et matériaux déclassés vaut pour toutes les Nouvelles circulaires. Elle est une autre façon d’exister, dès lors que l’objet qui en résulte prend corps. Et âme, quoiqu’inanimé.

Dans mon rôle de sculpteur-assembleur, le soudage est mon territoire et les mots pour le dire ne sont jamais loin. Mais pourquoi écrire à propos d’une sculpture ? L’œuvre ne suffit-elle pas ? Jusqu’ici j’ai donné un titre à mes sculptures, petit supplément comme un dernier habillage, une coquetterie, une piste, une note poétique, un message décalé. Nulle autre indication cependant, bien inutile au regard des œuvres exposées.

Pour les Nouvelles circulaires, un simple numérotage des œuvres devait suffire. Il n’était pas dans mon intention d’écrire le récit de chacune des Nouvelles circulaires, laissant chacun à l’épreuve de son émotion et de la signification. J’invitais alors à imaginer ce que pouvait être une histoire en mode circulaire, toujours recommencée, et libre à celui qui le souhaite d’en explorer les voies. C’est au cours des échanges avec les visiteurs que le dessein ou le défi d’écrire s’est imposé… N’y aurait-il pas quelque paresse, voire égoïsme, à toujours affirmer que dans la construction du sens d’une œuvre, la première partie appartient à l’auteur, la seconde à l’observateur qui s’approprie l’œuvre ? Très bien très bien me rétorquait-on, mais, sauf à considérer que l’emploi de matériaux-couleurs-formes-mouvement-espaces dispense de faire usage de mots, quel sens donnez-vous alors à votre première pierre ?

Aussi me suis-je pris au jeu de mon propre jeu discursif. Certes, dans le premier temps de la création comme en phase opérationnelle artistique (OPART), les matériaux-couleurs-formes-mouvement-espaces, sans oublier les outils, prennent le dessus. C’est l’en-deçà, le temps des ions, impressions, sensations, émotions. Imagination. Agitation. D’une effervescence sans mot bien reposante, encore qu’il faille toujours compter sur la jactance de la voix intérieure. Emulsion. Les images occupent le territoire, puis les mots surgissent, et d’autres images naissent. Quelques conflits d’intérêt, quelques chamailleries mais tout, progressivement, s’ordonne et concorde.

Ce sont ces mots que j’ai convoqués rétrospectivement et force est de constater que les petits textes livrés ici, propres à chacune des quinze œuvres plastiques présentées, sont devenus tout autre chose, ni simple narration, ni seule description. Un brin de poésie, un autre éclairage, quelques détours, le son de ma cloche, ou peut-être simplement un nouvel écran de fumée...  

Comme lors des expositions des Nouvelles circulaires, j’invite tous ceux dont l’imagination serait en panne et tous ceux qui veulent aller plus loin, à la lecture de ces courtes histoires qui, dans tous les cas, seront à refaire (1). Car ce que j’écris d’une œuvre sera toujours plus pauvre que ce que le cœur vous en dit.

  1. Voir ci-après la notice mode d’emploi, telle qu’elle fut affichée lors d’une exposition

Notice mode d’emploi pour découvlire une Nouvelle circulaire de Sautize

1ère étape : découverte de l’œuvre en toute liberté d’observation, sans autre guide que son imagination.

2ème étape : pour aller plus loin, l’idoine position serait la suivante :

  • debout face à l’œuvre, la dominant légèrement, prendre en main le texte s’y rapportant.
  • en commencer la lecture, passant du texte à l’œuvre, de l’objet à ce qu’il en est dit.

3ème étape : le tour de l’œuvre étant achevé, se poser - demander une chaise si besoin – pour en relire le seul texte qui trouvera là toute son unité interne.

4ème étape : retour à la première étape, pour une nouvelle déambulation dans l’œuvre, fort de son innocence éclairée.

 

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