Blog

  • Découvlire Nouvelle circulaire n°15, Voyage

    • Le 13/01/2022

    Nouvelle circulaire n°15, Voyage

    Dans cette histoire, le début fut une tige, une simple tige d’acier renforcé communément appelée tige de fer. Le mot fer est plus fort que l’acier, car il y a tout à jouir d’une santé de fer et tout à craindre des enfers. Mais la réalité métallurgique est toute autre. L’acier, alliage de fer et de carbone, est un métal plus dur et plus résistant que le fer seul (le fer solitaire comme il est dit dans en Alsace). La tige d’acier en question, donc en suspens, de couleur marron, possède de surcroît une surface nervurée qui améliorait jadis son adhérence au béton. Car l’objet a voyagé.

    Prévu pour servir dans un chantier de construction, la tige métallique est issue d’une aciérie que nos contrées hexagonales ont depuis lors abandonnée. Elle est grignotée sur sa longueur, cinquante-deux centimètres, faiblement picotée par endroits, ailleurs d’une usure prononcée, en cratères et fines crevasses.

    L’air marin prononce les rides. La beauté niche dans les ruines.

    Tornade imaginaire, la tige, toujours elle, serpentine, cingle sur le haut et se termine en hâte pour se fixer sur la butée du corps de ce qui fut pompe à eau. La forme compacte du rotor, en opposition de volume avec l’ondulante tige, est en suspension dans un nouvel espace, un satellite en orbite. Nous n’en sommes qu’au début, le mouvement s’accélère…

    Le voyage n’est pas d’aller d’un point à un autre, il est tout simplement d’aller. Et d’aller-simple.

    Deux autres tiges de métal, de moindre diamètre, se rencontrent et font corps d’un volatile. Quand un globe surgit, il devient oculaire, et l’aile paupière.  Une tête domine dont le profil répond à l’imagerie d’une Egypte ancienne : un nez d’angle, une longue barbiche et le mouvement d’une coiffe, le Némès. Barbiche et Némès sont des attributs que partagent le pharaon d'Egypte avec les divinités, le différenciant du commun des mortels. Quant au lien avec l’aile d’oiseau, il faut le chercher dans la mythologie grecque, où le sphinx féminin, autrement dit la sphinge, a la tête d'une femme, les hanches d'un lion et les ailes d'un oiseau. À l'inverse de la version égyptienne, la sphinge est impitoyable et dévore ceux qui ne peuvent pas répondre à son énigme, que seul Oedipe saura résoudre(1). La queue du volatile se perd dans la géométrie des songes, eux-mêmes s’échappant d’une grande clé qui est clé du voyage. Une vague se forme - n’y voyons plus une faux - suivie bientôt d’une autre. Des plis en bout de lame se forment, offrant une assise à la malle qui recevra les quelques effets de l’errant.

    Un corps est allongé. Ironie du sort, ce fut autrefois un outil de levage. Ce n’est pas comme chez Booz un chêne qui est sorti de son ventre, c’est l’odyssée. Près du gisant, un canard veille.

    1. Quel être, pourvu d'une seule voix, a d'abord quatre jambes le matin, puis deux jambes le midi, et trois jambes le soir ?

    St287 l