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  • Découvlire Nouvelle circulaire n°7, Oeuf

    • Le 15/05/2022

    Nouvelle circulaire n°7, Oeuf

    Nul ne saura dans cette histoire si l'oeuf en est à l'origine.

    En bonne et due forme ovale, il occupe le centre du terrain. Le bras rose le présente dans son écrin et renforce la pâleur du fuselage, comme le corps jaune en proximité suggère l’intensité de son intériorité ; intensité du jaune de l’œuf qui, rappelons-le, dépend de la quantité de xanthophylles - qui sont pigments de la famille des caroténoïdes - que la poule assimile via son alimentation.

    L’œuf dans son berceau de bronze nous transporte.

    Avant de rejoindre le Centre Pompidou, ayons en tête, pour la bonne compréhension de l’œuvre, que, tout comme la sphère parfaitement ronde, l'œuf, qui est un ovoïde, ou encore l’ovale, qui est un ballon de rugby, appartiennent à l’ordre très convoité des ellipsoïdes.

    Détour donc par Paris et le Centre Pompidou qui compte l’un des deux tirages en bronze, Le commencement du monde, sculpture du génial artiste roumain Constantin Brancusi (1876-1957), œuvre dans laquelle le pur ovale, ou plutôt l’ovoïde en bronze poli, est posé dans sa longueur sur un disque en acier tout aussi poli. Les traits du visage de la Muse endormie, création antérieure de Brancusi, se sont effacés au profit de la forme épurée. Ce qui est réel n´est pas l´apparence mais l´idée, l´essence des choses, estimait Brancusi. La perfection de la structure de l´œuf renferme la vie dans sa plus pure expression. Elle lui inspira Le commencement du monde dans sa première version de 1920, un marbre poli, absolument lisse, qui dit tant de choses.

    Mais revenons à ce jaune corps en génuflexion, à cette tête toute en crète et à cet œuf du mystère. Deux formes s’opposent en cet instant. A la rondeur toute ovoïde répond le corps cubique du volatile mutin, parallélépipède de couleur neutre affublé d’ailerons aux arêtes tranchées. Ce dernier ne résiste pas au mouvement général. L’ample roue dessinée par une plume de sang séché vient s’immiscer jusque dans les pensées labiles de celui qui reçoit l’offrande, qui consent sa défaite. Les indices concordent : l’organe en berne - ce boulon de section carrée avec filetage forgé d’une vraie main de forgeron il y a si longtemps -, le doigt de la faucheuse prêt à gober l’œuf, le voile de l’infortune sur l’unique roue d’un char à vent sans vent…

    Et si fièrement il se redresse, le solide étançon n’en peut mais. La clé bien plate est flageolante, la partie du dessous s’incline.

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  • Découvlire Nouvelle circulaire n°8, Aide et étai

    • Le 01/05/2022

    Nouvelle circulaire n°8, Aide et étai

    Il s’en passe des choses ! Dirigeons le regard vers le bas qui, dans nos représentations, est le théâtre des affrontements, de l’obscur, du rampant, de la piétaille et de l’enfer. Au ras du sol, l’incarnation du crabe à la marche monstrueuse. De ce corps rouge se dégagent, d’un côté trois griffes surmontées d’une paire de pinces à becs plats, de l’autre une exhalaison verte. J’avoue alors penser au pire. Serais-je tombé dans le panneau de droite du Jardin des délices de Jérôme Bosch, l’Enfer ?... Il n’en est rien, le crabe en question n’est point dévorateur, qu’on ne s’y trompe pas ! Si l’une des deux poignées ergonomiques de la pince est prise dans sa mâchoire c’est pour en mieux tenir le carnet de dessin, le tout faisant lutrin. Il en est de même du coude vert, ce gros orifice à l’allure d’escargot duquel il faut voir davantage une sorte de lampe d’Aladin d’où sortirait un bon djinn.  Tout est bien qui commence bien. Les trente pièces qui ont servi à la réalisation de cette Nouvelle circulaire semblent converger vers une même destinée : aide et étai. Autre exemple, le noir bipède à deux têtes. Il ne s’agit pas là de l’hydre de Lerne dont le corps était de chien et les têtes de serpent, ces dernières en grand nombre, répandant un dangereux poison. Je relève d’ailleurs que dans l’approche d’une œuvre d’art, l’organe olfactif est rarement sollicité et je peux affirmer sans craindre de me tromper que ce bicéphale bipède, pour l’avoir rudement côtoyé, ne dégage pas de mauvaise odeur. Il est en outre particulièrement serviable et dévoué, certains diront servile et dévoyé. Sa tête de gauche est dominée d’un chapeau haut de forme prolongé d’un ressort. Une main y prend appui et serre ce qui semble être un bout de chevillette de maçon en col de cygne qui tient un bouquet de pensées labiles, fugaces et si changeantes que son auteur peine à les conserver. C’est sans doute la raison pour laquelle le bras tendu est animé de quelques haubans. C’est sans doute la raison pour laquelle un voltmètre analogique datant du milieu du siècle dernier domine l’ensemble, fier comme un paon. S’il y a tension, il intervient, c’est sa mission. Une coupelle en rempart héberge un cylindre de couleur bleu passé qui fait bonne bouille. Il était danois, dans une autre existence, de la marque Danfoss, filtre déshydrateur conçu pour les systèmes de climatisation nécessitant une grande capacité d'élimination de l'humidité. Point d’effusion cependant. Deux personnages se superposent, que chacun cherchera à déceler. L’un est cocher, ses pieds font le mors dans la bouche de la tête de droite du noir bicéphale bipède révélé précédemment. Deux longues tiges encadrent la voile et le corps frêle du second. C’est une bonne Nouvelle.

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  • Découvlire Nouvelle circulaire n°9, Compte à rebours

    • Le 15/04/2022

    Nouvelle circulaire n°9, Compte à rebours

    Sculpture du doute, incertain sens, que fais-je et que dis-je ? J’observe. C’est un circuit court. Empruntant la métaphore à la science électrique, je dirais qu’il est court-circuité, tant le nombre de pièces hors circuit est élevé. J’entreprends par le bas où quelques paires dominent. Deux pièces accolées de couleur noire forment un attelage, chaque figurant est debout sur une roulette sommaire. Encore qu’il faille accepter que de vulgaires morceaux de conduites métalliques découpés en anneau soient apparentés à des roulettes, sans autre forme de process, sans moyeu, sans cuvette, sans rayon. De cet accouplement s’échappent deux tubes coudés, autrement dit deux pots d’échappement miniatures. L’un agit comme la jambe droite relevée d’un pantalon jaune. A noter qu’ainsi les deux pieds ne sont pas dans le même sabot, marque de prudence, de pauvreté ou d’épreuve rédemptrice infligée à soi-même. L’autre, à senestre, est un tube coudé de couleur marron. Il mène tout droit à un gros écrou qui tient tête et supporte plus encore un débitmètre à l’appendice enviable qui est de bronze et non de marbre. Deux robinets de sortie de pression sont de part et d’autre avant qu’une vis de serrage, tenant le bâton, prenne le relais et fasse le lien avec une rouge crémone campée sur deux pattes dont le ressort assure l’effet pince, le tout en une coupelle argentée qui fuit la taille du pantalon jaune évoqué précédemment. A noter que la poignée rose est en position de l’interdit mais qu’importe, le baromètre est au beau fixe, les cartes sont déployées… L’histoire en resterait-elle là qu’elle serait belle mais vaine, rassurante mais pauvre, boucle bouclée et pièces attachées sans histoire… Un détail ne m’a pas échappé, qu’il faut relever dans la partie dissidente au circuit. La couleur mauve y mène, sans doute pas un hasard… De ce qui semble être une cabine, dépasse un vieux boulon à tête ronde collet carré d’où se déploie tout en panache et en une ligne parallèle à l’embout sphérique cité plus haut, un ruban d’un vieux rose, ou rouge de maturité. Nous sommes au sommet, le geste est généreux, c’est une apothéose ! Et pourtant, et pourtant, si j’y prête attention, je vois deux bras enserrant le haut de la tête ronde collet carré du vieux boulon, comme pour le soustraire d’un écho lancinant. L’histoire est du coup moins drôle, si j’y prête l’oreille… Le Compte à rebours Est comme un bruit sourd Qui frappe à la porte De plus en plus fort La voix intérieure Qui se fait entendre Quand on devient sourd Aux cris du dehors…

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  • Découvlire Nouvelle circulaire n°10, Carburateur

    • Le 01/04/2022

    Nouvelle circulaire n°10, Carburateur

    Ce n’est pas tous les jours qu’un carburateur retient mon attention, un beau et gros carburateur qui n’est plus à sa place. Extrait pour raison d’usure ou de malformation du véhicule automobile inconnu, il en est réduit à l’état de rampant. Il assure néanmoins le soutien de l’édifice, y jouant même un rôle virtuel de propulseur. Le dôme de couleur bleu, qui a pris la place de la cuve d’origine, vient en rompre la grisaille. La clef en son milieu équilibre les songes. De ses durites et autres orifices, se dressent différents corps.

    Sans d’autre motif que le seul mot de carburateur, je me souviens d’un livre lu il y a quelques années, paru en 2010 aux Etats-Unis, dont le titre est Eloge du carburateur. Réflexion philosophique sur le travail, pamphlet contre les formes modernes et dévoyées de son organisation, plaidoyer en faveur du travail dit manuel, les propos de son auteur, Matthew Crawford, me réjouirent. La ligne de partage n’est pas entre travail intellectuel et travail manuel. Elle est dans le dessaisissement de l’accomplissement de la tâche, la réduction de la place assignée à son auteur, le travailleur, dans la chaîne de production. Matthew Crawford y racontait notamment comment il fut amené à ne pas choisir entre une carrière universitaire en philosophie et la réparation des motos. Surmonter des obstacles, trouver des solutions aux problèmes, agir en responsabilité et dans la complexité, c’est à coup sûr accéder au plaisir et au bénéfice tant intellectuel que psychique que procure le travail, quel qu’il soit. Il y aurait beaucoup à dire. Revenons à notre carburateur.

    Remontant dans le sens contraire des aiguilles de l’horloge, on trouve un débitmètre de pression, autrement appelé manostat. Tube et tige et bras levé confèrent à l’ensemble un port altier auquel les deux tubulures de raccordement du manostat ajoutent un air martial, aussitôt démenti par le bolduc rose, ce ruban frise du ridicule, comme une langue tirée trop bien pendue ou la queue en tire-bouchon du cochon.  L’œil est là. Œil redoublé devrait-on ajouter, puisque le bolduc s’engage dans une gorge profonde qui n’était autre précisément qu’un œil de pioche, ce bout d’outil dans lequel le manche est engagé. Restons sur cette gorge pour ne conserver qu’un seul œil. Serait-ce ainsi qu’il faut voir ou être vu par la sphère de verre ? Ce n’est pas l’œil du cyclope ou tout autre verre d’Homère, non plus la bulle de savon ou la boule de Noël. C’est un phare gélifié tout simplement, dans sa transparence. Ambiance. La suite n’est que courbes et méandre composant une forme aviaire tenue à bout de bras par un passant de Crémone. L’histoire est à reprendre.

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  • Découvlire Nouvelle circulaire n°11, Maître-cylindre

    • Le 15/03/2022

    Nouvelle circulaire n°11, Maître-cylindre

    En mécanique, le maître-cylindre est un piston hydraulique qui, actionné par la pédale de frein, envoie du liquide sous pression dans le système de freinage. Quel équivalent pourrait-il être inventé pour ralentir l’inéluctable marche du temps qui écrase tout sur son passage ? Et n'allez pas confondre et l'effet et la cause, chantait Léo Ferré, La Mort est délivrance, elle sait que le Temps / Quotidiennement nous vole quelque chose / La poignée de cheveux et l'ivoire des dents. Dans un autre domaine - le lien reste à trouver avec le précédent - quel levier actionner pour réduire l’incessant bruit, les trépidations inutiles, les éructations blessantes, les opinions vaines ? Fausse entité connue de tous, la bêtise est vaste étant ivre de présence (1)

    Abandonnons-nous plutôt au transport joyeux d’une ronde. La légèreté est une ombrelle. Tout est présent dans cette histoire, la puissance et la malice, et le souffle, et le chien qui s’éprend de son maître.

    Comme sortie de sa gueule, une langue de belle-mère. C’est ainsi que se nomme cet accessoire de cotillon utilisé dans les occasions festives, sous la forme d’un tube en papier qui se déroule et émet un son tout aussi soudain, strident qu’insupportable. Ici c’est un passant de Crémone qui surgit au bout du tube, une nouvelle fois sollicité pour contenir les mâts de ce grand corps chapeauté, habillé d’une seule voile. A sa tête, une pompe à eau, convertie avec turbine et poulie. Le personnage est d’importance si l’on en croit l‘imposant couvre-chef d’où s’échappe une plume d’or, qui est clef des songes.

    Dans cet univers un œil observe, solaire quoique jaune. Par un méandre que le désir réserve, son regard emprunte la clef et se glisse dans le trou de la serrure ancienne disposée en plateau ; il rejoint ainsi le puissant organe violet vers lequel semblent se diriger bien des convoitises. L’hypothèse toute autre, selon laquelle l’œil serait le fruit d’une séminale offrande, reste à explorer.

    La queue de ce que nous pensons être un chien dessine une roue. Une nacelle bien pleine s’insère dans le mouvement et le rompt. L’œil s’en détache ou s’y rattache, c’est à chacun de voir. Une large ombrelle protège ses occupants. Par une virgule concupiscente et malicieuse, la suite de la queue fait sourire.

    (1) Pardon pour ce détournement du soixante-onzième vers du Cimetière marin de Paul Valéry, La vie est vaste étant ivre d’absence / Et l’amertume est douce et l’esprit clair

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  • Découvlire Nouvelle circulaire n°12, Envol

    • Le 01/03/2022

    Nouvelle circulaire n°12, Envol

    Impression de mouvement, une ligne en dessin, tout en courbes ou presque.

    Les objets ont-ils autre objet que de servir cette aspiration ? Un soc de charrue est à la manœuvre. Présence inaugurale, il creuse le sillon de nos interrogations puis se redresse dans une ultime cambrure, et la molle assistance d’une clé à molette. Le sens de l’action ? Qu’importe… Ces vers d’Eluard peut-être : Que sortira-t-il de toi ? / Une danseuse immobile / Blanche très exactement… Tout décolle et devient aérien, une envolée de pages - d’une édition de poche pour Hobbit - des tiges incurvées, un tube coudé, une volute, une ligne serpentine. Dans cet essor m’est revenu un rêve, d’une enfance qui a la vie dure. J’avais pour habitude de sautiller sur place, en toute occasion. Je me rendis compte progressivement qu’il était possible, toujours davantage, de s’élever dans les airs par la puissance des jambes, des bras, l’extension des hanches, des genoux et la flexion plantaire des chevilles. Je pris conscience surtout que je pouvais ralentir la descente, agitant frénétiquement mains et avant-bras. Le maintien prolongé peu à peu en position stationnaire au-dessus du sol fut ma fierté, mon bonheur plus encore lorsque de mes bras-ailes je parvins à assurer non seulement la portance, mais aussi la poussée suffisante pour rejoindre le goéland. Mon dernier vol remonte à quelques années. Fort heureusement, j’ai pu garder contact avec le goéland, compagnon de nage en mer. 

    Trois rondeurs - deux cercles, une sphère - sont les sommets d’un triangle inséré dans l’édifice en boucle. Trois lignes verticales traversent ce dernier. Le cap de la ligne orientale est donné par un vieux manomètre chapeauté de la volute qui repose sur l’image d’un phare. Nous sommes du côté des arguments de raison : vérifier la pression, guider la navigation. De plus, un bout de guide, fort terrestre celui-ci, enjambe un axe qui perfore de part en part une nacelle : côté extérieur, une rugueuse brosse métallique fait office de turbine ; côté intérieur, une vis de serrage des mors pour étau assure le tragique de la vie dans son fragile équilibre : une clavette au premier plan - si bien suspendue qu’on dirait un malheureux - à l’arrière, l’indication en grande ostentation du temps flamboyant.

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  • Découvlire Nouvelle circulaire n°13, Homme préssé

    • Le 15/02/2022

    Nouvelle circulaire n°13, Homme pressé

    Au premier regard jeté sans ménagement, ou négligemment posé sur la nouvelle Nouvelle circulaire, il semble bien inutile d’y joindre quelques lignes, comme d’ajouter des mots aux maux. Les éléments qui la constituent sont si explicites qu’il en faudrait de l’imagination, trempée dans une mer d’optimisme, pour ne pas voir le drame qui se joue métaphoriquement sous nos yeux. Arrêt sur image d’une image sans fin. La cuillère est centrale, elle recueille le fruit de l’homme pressé qui fut autrefois porte-mèche d’un vilebrequin. Il serait tentant d’établir un lien avec ma propre histoire. Je préfère me rapprocher d’une œuvre d’il y a quelques années intitulée « L’homme révolté ». Le principe en était le même quoique les ingrédients en fussent différents ; une quinzaine de bonhommes s’agitaient dans la cuve en entonnoir d’un vieil hachoir à viande manuel. A sa sortie, des lambeaux et un tas de fer sanguinolent. Sur le manche de la manivelle en position verticale, un homme debout, le poing levé. Vous et moi étions encore jeunes. Ici l’homme pressé est bien seul et constate, avec effroi sans doute, que ni le parachute ascensionnel ni les cartes en main ne lui sont d’un grand secours…

    Pure hypothèse cependant ! Il n’est pas dit que l’inverse ne se produisît, que l’homme n’échappât dans un sursaut à la découpe en règle, brandissant du dessous les cartes d’un nouvel horizon ou décrochant la lune et quelques nuages. Le contenu de la cuillère ne serait qu’un leurre, ou un repoussoir. D’ailleurs, pour étayer cette deuxième piste, suivez mon regard et celui de la tête en coffre de serrure ouvert à moitié, au fouillot doré en guise d’œil et au bec en pêne demi-tour, de ce drôle de volatile rencontré en d’autres contrées. Comme se plaît à le dire les enfants, « il fait le beau sur son vélo », si l’on peut parler ainsi du deux-roues vraiment très sommaire qui porte le volatile en question et la suite de l’histoire. Avant cela, je note l’intéressant contraste entre d’un côté les formes rectangulaires de la demi serrure et son pêne demi-tour et, de l’autre, les courbes en fers plats et carré qui se succèdent et dessinent le corps du volatile.

    Le regard, disais-je, est dirigé vers le haut. Certains citeraient le ciel et d’autres encore un dieu. Ainsi parlait Booz dans le rêve et l’extase, Tournant vers Dieu ses yeux par le sommeil noyés. Quelqu’un me fit remarquer que j’invitais souvent ce personnage biblique à la table des illustrations. C’est exact, mais dans sa version revisitée par Victor Hugo.  J’aime à réciter ce long poème de La Légende des siècles, sous l’œil pétillant de son auteur. Booz est un paysan et un patriarche prospère qui reçoit, la nuit, la visite de Ruth. De cette rencontre surgira une descendance, malgré le grand âge de Booz… Pendant qu'il sommeillait, Ruth, une moabite / S'était couchée aux pieds de Booz, le sein nu / Espérant on ne sait quel rayon inconnu / Quand viendrait du réveil la lumière subite. Ce poème fait partie du « garde-à-manger poétique » auquel j’eus recours (et je cours encore), pour me sortir de situations périlleuses, insomnies, réunions, traversées de toutes sortes du désert au quotidien. Il n’est donc pas impossible que l’homme pressé soit en mesure de s’extraire du pressoir à hélice par la seule évocation de Booz, n’en déplaise à cette forme en noir que notre vive imagination traduit en mauvais génie qui siphonne la marmite. Le mystère demeure quant à la boule dorée qu’il balance à la manière d’un encensoir.

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  • Découvlire Nouvelle circulaire n°14, Ver mutin

    • Le 01/02/2022

    Nouvelle circulaire n°14, Ver mutin

    Le point d’arrivée d’une œuvre d’art est son point de départ, a fortiori pour une composition circulaire. Pour le dire autrement, la première pierre oriente la suite de l’ouvrage. Dans toute Nouvelle circulaire, cette première pierre est métallique. Une fois posée, la seule certitude est le doute. Détours et revirements sont la règle. L’inattendu est attendu.

    La pièce initiale de cette sculpture à l’alerte allure fut constituée des deux pans du long manteau noir, deux morceaux qui n’avaient l’air de rien, sinon, les assemblant, de s’évaser et donner à voir une longue échancrure, du haut vers le bas. Où se réfugier. Tronc creusé pour les oiseaux nicheurs. A son sommet, un trône blanc, un écrou rouge et une bille lisse au bout d’un très joli cou torsadé, le ver mutin. Les cartes du ciel donnent le La mais le tube est ailleurs. C’est un tube de section rectangulaire, que deux perches perchent, un corps dominant d’où se dégage une chouette tenaille de menuisier. A sa gauche, comme un bras levé, une voie dont l’issue est un miroir, autrefois rétroviseur pour voir autrui derrière soi.  Aujourd’hui l’autre est soi-même. Stop ! Regarde-toi ! s’écrie le miroir facétieux. Il offre son reflet pour que, plus encore qu’à l’accoutumée, la sculpture prenne un tour singulier. A chaque visage sa capture. Une œuvre nouvelle.

    J’emprunte votre regard en une victoire éphémère, une empreinte sans trace. Je vous voie et je reprends mon chemin.

    Le bras sinueux du tube en l’air mène au col de cygne d’une chevillette de maçon. A ce stade je note que deux sortes de plateaux, en symétrie inversée suivant l’axe du trône, composent le tableau.  Le premier est ce chapeau de mousquetaire à la confection duquel les différentes parties d’une pompe à eau ont contribué. Une ex-manette de serrage, de couleur bleue, en constitue le second. Entre ces deux plateformes, un large tube coudé d’un côté, un fil retors de l’autre qui dessinent une silhouette en creux et bosses. Elle enserre le trône et son occupant dans un espace clos. Le regard, nous l’avons vu, est autre part.

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