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  • Novembre 2021: Annonce d'un nouveau cycle de travail

    • Le 14/09/2022

    Sautize, artiste sculpteur, glaneur d’idées1 et de mots2, assembleur d’objets et de de matériaux, restaurateur de liens jamais rassasié, prince du détour et de la note de bas de page

    Les citations sont les béquilles d’une pensée encore incertaine a dit Jorge Semprun. Aussi m’appuierai-je sur celle-ci, de Jean Dubuffet : Ce qui importe dans une technique c’est de ne pas la maitriser. Il m’arrange en effet de penser qu’à la différence de l‘objet d’art (artisanat) qui confine à la perfection du geste et d’une technique de fabrication maitrisée, l’œuvre d’art s’offre en fragilité, en incomplétude, touchant à ce que chacun ne donne pas à voir mais à ce qu’il ressent.

    De ma démarche artistique, j’ajoutais précédemment… Si le métal est dur, se laisse tordre, fondre en larmes de feu,  le bois est tendre, se laisse peu plier, pas prier pour être ramassé, recueilli, et l'un et l'autre s'assemblent, se conjuguent, s'habillent, se déshabillent, en couleurs ou noir et blanc... Concentré d'énergie, chaque sculpture est une histoire, recréation du monde, entre douleur et grandeur, ôtant de nos âmes la poussière du quotidien... Ok, je maintiens, cependant qu’entré de plain-pied dans l’aire de la maturitude3 (avant l’aire de repos), libéré de quelques contraintes et pesanteurs, une nouvelle ère commence, un cycle nouveau …

    Sautize se met au fer4 et s’encanaille5

    Je vous invite donc à découvrir les « Nouvelles circulaires6 » et vous sais gré de votre fidélité.

    Artistiquement vôtre. Sautize

    1.  … et non glandeur inné comme j’en entends certains
    2. Beau joueur de mauvais jeux de mots
    3. Contraction de maturité et décrépitude
    4. Clin d’œil à mes amis alsaciens
    5. Littéralement : se met à la couleur
    6. Explications dans l'album photos...

  • Nouvelles circulaires Avant-propos

    • Le 01/09/2022

    Nouvelles circulaires de Sautize

    Il est des périodes dans la vie où il fait bon rester en zone confortable, se regarder le nombril ou se mettre en boule ; faire le dos rond pour en sortir rasséréné. A défaut d’hiberner. Six mois c’est long quand on sait qu’après il y a l’éternité.

    2021 a marqué le début d’un nouveau cycle de travail sur le recommencement, la réitération, la même histoire déclinée en variations et variantes d’objets, de formes et de couleurs. Les Nouvelles circulaires animent et alimentent depuis lors une part grandissante de mon travail. Juste retournement des mots et foin de la nomenclature administrative, le terme de circulaire vient ici qualifier la nouvelle. Empruntant à ce qu’est la nouvelle en littérature - un court récit dont la fin est en suspens - le récit des Nouvelles circulaires se veut poétique et organisé en un circuit. Le regard s’y pose en un quelconque endroit. Se crée le début d’une histoire, sa propre histoire, suivant l’enchainement des pièces hétéroclites. Revenant à son point de départ, le regard n’est plus le même, le récit peut reprendre, partant ou pas d’un autre point, dans un sens ou dans l’autre. C’est une histoire sans fin et c’est ainsi que l’antinomie même des deux termes associés, circulaire et nouvelle, forge à mon endroit, en quelque sorte, une totalité rassurante voire un cadre idéal de création.

    La Nouvelle circulaire possède cette vertu. Je suis en boucle, concentré sur mon chemin, je connais le point d’étape mais non la fin du voyage. Je suis confiant car je sais les principes qui guident les pas de ma danse : une ligne étirée, des formes courbes, du mouvement, de l’équilibre, des couleurs, de l’insolite, de l’humour… Dans le même temps je suis la boucle qui intègre les éléments matériels qui vont progressivement trouver place, issus de la mécanique, de l’outil agricole, de la plomberie, de l’industrie, du hasard ou de la déchèterie. L’atelier s’en trouve délesté et c’est tant mieux tant le poids des années pèse sur son plancher.

    La Nouvelle circulaire n°1 est appelée Jouissance. Cette jouissance de pouvoir donner place à des objets et matériaux déclassés vaut pour toutes les Nouvelles circulaires. Elle est une autre façon d’exister, dès lors que l’objet qui en résulte prend corps. Et âme, quoiqu’inanimé.

    Dans mon rôle de sculpteur-assembleur, le soudage est mon territoire et les mots pour le dire ne sont jamais loin. Mais pourquoi écrire à propos d’une sculpture ? L’œuvre ne suffit-elle pas ? Jusqu’ici j’ai donné un titre à mes sculptures, petit supplément comme un dernier habillage, une coquetterie, une piste, une note poétique, un message décalé. Nulle autre indication cependant, bien inutile au regard des œuvres exposées.

    Pour les Nouvelles circulaires, un simple numérotage des œuvres devait suffire. Il n’était pas dans mon intention d’écrire le récit de chacune des Nouvelles circulaires, laissant chacun à l’épreuve de son émotion et de la signification. J’invitais alors à imaginer ce que pouvait être une histoire en mode circulaire, toujours recommencée, et libre à celui qui le souhaite d’en explorer les voies. C’est au cours des échanges avec les visiteurs que le dessein ou le défi d’écrire s’est imposé… N’y aurait-il pas quelque paresse, voire égoïsme, à toujours affirmer que dans la construction du sens d’une œuvre, la première partie appartient à l’auteur, la seconde à l’observateur qui s’approprie l’œuvre ? Très bien très bien me rétorquait-on, mais, sauf à considérer que l’emploi de matériaux-couleurs-formes-mouvement-espaces dispense de faire usage de mots, quel sens donnez-vous alors à votre première pierre ?

    Aussi me suis-je pris au jeu de mon propre jeu discursif. Certes, dans le premier temps de la création comme en phase opérationnelle artistique (OPART), les matériaux-couleurs-formes-mouvement-espaces, sans oublier les outils, prennent le dessus. C’est l’en-deçà, le temps des ions, impressions, sensations, émotions. Imagination. Agitation. D’une effervescence sans mot bien reposante, encore qu’il faille toujours compter sur la jactance de la voix intérieure. Emulsion. Les images occupent le territoire, puis les mots surgissent, et d’autres images naissent. Quelques conflits d’intérêt, quelques chamailleries mais tout, progressivement, s’ordonne et concorde.

    Ce sont ces mots que j’ai convoqués rétrospectivement et force est de constater que les petits textes livrés ici, propres à chacune des quinze œuvres plastiques présentées, sont devenus tout autre chose, ni simple narration, ni seule description. Un brin de poésie, un autre éclairage, quelques détours, le son de ma cloche, ou peut-être simplement un nouvel écran de fumée...  

    Comme lors des expositions des Nouvelles circulaires, j’invite tous ceux dont l’imagination serait en panne et tous ceux qui veulent aller plus loin, à la lecture de ces courtes histoires qui, dans tous les cas, seront à refaire (1). Car ce que j’écris d’une œuvre sera toujours plus pauvre que ce que le cœur vous en dit.

    1. Voir ci-après la notice mode d’emploi, telle qu’elle fut affichée lors d’une exposition

    Notice mode d’emploi pour découvlire une Nouvelle circulaire de Sautize

    1ère étape : découverte de l’œuvre en toute liberté d’observation, sans autre guide que son imagination.

    2ème étape : pour aller plus loin, l’idoine position serait la suivante :

    • debout face à l’œuvre, la dominant légèrement, prendre en main le texte s’y rapportant.
    • en commencer la lecture, passant du texte à l’œuvre, de l’objet à ce qu’il en est dit.

    3ème étape : le tour de l’œuvre étant achevé, se poser - demander une chaise si besoin – pour en relire le seul texte qui trouvera là toute son unité interne.

    4ème étape : retour à la première étape, pour une nouvelle déambulation dans l’œuvre, fort de son innocence éclairée.

  • Découvlire Nouvelle circulaire n°1, Jouissance

    • Le 16/08/2022

    Nouvelle circulaire n°1, Jouissance

    Petit cicrcuit ouvre la voie.

    Le nombre de pièces qui composent cette première sculpture du cycle des Nouvelles circulaires est modeste.

    Seize. Sculpture délardée. Seize morceaux rustiques font une élégante.

    Sculpture par assemblage hétéroclite ; jouissance de pouvoir donner place à des objets et matériaux déclassés.

    Ce fut d’abord un bout de manche de faux demeuré seul, après que le manche dans son presque entier a servi dans une autre œuvre (1). La sculpture par assemblage étant faite de rencontres, l’élu fut un couvercle d’un objet non identifié qui présente, lui aussi, un orifice en bouche. Les deux bouches s’alimentent, reliées l’une à l’autre par un tube coudé. Début d’une grande aventure.

    J’ai bien connu la faux du temps de sa pleine activité, qui était aussi mienne. Je l’ai sacrifiée sur l’autel de mon sombre atelier. Une mort pour une double résurrection, fameuse opération. Le bout de manche de faux placé de guingois sur sa jupe à moitié, elle-même tenue par un large anneau, s’érige en une sorte de tétine inversée, à laquelle semble s’accrocher ce double corps rouge découpé de telle façon qu’il serait hasardeux d’en révéler l’origine. Cette confession ne manquera pas de rassurer les visiteurs impuissants à donner le sens de cette forme énigmatique. L’un d’eux cependant a décelé, dans le fond, l’image du phoque au cerf-volant. Quelle imagination !

    Livrée sans autre clarté que celle du jour, l’œuvre s’expose, s’ouvre à toutes les interprétations. Finalement c’est heureux. Il semble que le sens de l’histoire restante ne souffre d’aucune contestation. C’est l’histoire d’une silhouette gracile à la vêture légère sous un chapeau pointu accroché aux nuages, prélude d’une fugue amoureuse.

    1. Sculpture intitulée Expérience cymbalistique en milieu naturel (1er élément)

    Nouvelle circulaire n°1, Jouissance

  • Découvlire Nouvelle circulaire n°2, Liseur

    • Le 03/08/2022

    Nouvelle circulaire n°2, Liseur

    D’un tour de clef des champs, prenons la pause. C’est la quête du liseur, tout en tubes, en arrondis, qui lui confèrent plasticité, ainsi que son point d’équilibre. Le pied du siège est extrait d’un outil agricole non identifié, la position est stable.

    Prenons soin du liseur ! Ainsi peut-on comprendre l’initiative de la forme de couleur rouge et parler d’initiative si cette forme est le majordome dévoué à la cause du liseur au col rose. Mais peut-être est-il tout simplement le dossier même du fauteuil tenant à bout de bras la demi boule de pétanque qui est ici chapeau protecteur.

    L’impression de quiétude se dégage du tableau. Pipe et lutrin, deux mots anciens.

    Les conditions matérielles sont réunies, le liseur est tout à son affaire et médite, deux vers en soutien, les derniers de la fable qui ouvre le livre situé en prologue du premier recueil des Fables de La Fontaine, À Monseigneur le Dauphin. Le livre fut publié en 1668. La Fontaine s'adresse au Dauphin, Louis de France, fils de Louis XIV et de Marie-Thérèse. La fable commence par une allusion au premier vers de l'Énéide de Virgile, Je chante les héros dont Esope est le père..., et se termine par cette adresse au Dauphin, Et si de t'agréer je n'emporte le prix, J'aurai du moins l'honneur de l'avoir entrepris.  Entretemps, La Fontaine aura présenté une partie de sa méthode… Je me sers d'Animaux pour instruire les Hommes.

    Nulle autre instruction dans ce tableau. L’horloge n’indique pas le temps, les pensées continuent leur chemin.

    Nouvelle circulaire n°2, Le liseur

  • Découvlire Nouvelle circulaire n°3, Funambule

    • Le 16/07/2022

    Nouvelle circulaire n°3, Funambule

    Regarder cette scène n’exige pas de savoir si le croisement dans un même plan vertical de tiges de fer cintrées de section carré est l’échevellement d’une tignasse rouge, ou bien des flammes ou bien des flots. Peut-être une montagne. On y lit le mouvement, l’élan et l’allant d’un personnage funambulesque dont le corps et la tête, quoiqu’étant reconstitués dans un ordre différent, appartenaient à la même paire de gros ciseaux de jardinage. Le corps en était son milieu, l’anneau droit en est sa tête. Remarquons la perfection de l’incurvation de l’anneau dans lequel l’index se glissait en toute confiance pour accomplir sa tâche, assuré du soutien de l’avantageuse paroi intérieure. Est-ce à dire que le personnage fend l’espace ? Il s’élève et s’avance et passe entre les voiles aux extrémités d’une longue forme verticale, en un losange étiré, dont il tient fermement les deux montants. Solides jambes alignées, la pose ainsi en impose. Quelle aisance ! Nul besoin de balancier, le bâton est planté dans le socle et dans le ciel.

    Cependant je m’interroge tandis que le brave gravit. Etant dans le sens du vent, n’est-il pas dans le sens opposé au mouvement général de l’œuvre ? A la proue du navire fantôme, la tête noire d’une silhouette en boomerang, sans grand relief. Renouveau d’une pièce du mécanisme d’un meuble escamotable, il campe sur deux pattes fines en simple cingle et semble tirer tout l’édifice, aidé en cela par un fer plat à la cambrure élégante qui le traverse aux flancs et possède à ses extrémités deux puissantes volutes contrariées. Celle du bas est couplée à ce qui fut sans doute une poignée de serrage légèrement incurvée. Ses deux bras, qui sont en croix, et la robe verte au sol, taillée dans une pièce agraire qui a fait son temps, confèrent à l’ensemble un air de mater dolorosa enfantant un arc, image très licencieusement poétique pour parler du parallélogramme aux deux voiles en triangle. Quant à la volute supérieure, je ne saurais l’oublier. C’est d’elle que sont parties les chemins de cette histoire, et c’est elle qui porte le toit de l’édifice, au bout duquel.

    Un astre.

    Et trois nuages.

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  • Découvlire Nouvelle circulaire n°4, Zénon

    • Le 01/07/2022

    Nouvelle circulaire n°4, Zénon

    La station debout sur ses deux pieds est d’autant plus fragile que le corps est immobile.  Même en terrain stable et plat, le mouvement gagne la partie contre la position statique. S’il s’agit de surcroît d’une planche incurvée et d’un épaulé-jeté, l’équilibre est en péril … Bref, de cette histoire tenue à bout de bras, ni le départ ni l’arrivée ne semblent bien assurés. L’objet de cette histoire et les objets qui la composent ont cependant belle allure. La parcourant, nous rencontrons un cornet, acoustique ou pot d’échappement, les deux sont liés dans l’expression sourd comme un pot. Une sorte de bol ajoute à la partie pavillonnaire. La découpe de boules a ruiné ma carrière de bouliste et m’expose à de franches inimitiés. Sur le promontoire se dresse un chien de fusil bien éveillé, que prolonge l’anneau gauche d’une paire généreuse de ciseaux embrassant à pleine bouche le parfait mouvement de la demi-révolution, à laquelle est suspendue, solidaire, une lune à moitié. Comme souvent, l’humeur est vagabonde, la pensée fugace s’échappe dans les cieux. Tout semble tant assumé, cependant, de ce côté-ci du tableau. Jeu d’opposition de formes avec la pointe verticale sur un fond bleu, flèche perdue de Notre-Dame de Paris ou Fernsehturm de l'Alexanderplatz de Berlin, toutes les audaces évocatrices sont permises avec une flèche. En cet instant du récit, il est tentant d’opérer un rapprochement avec les célèbres Paradoxes de Zénon, parmi lesquels la flèche qui ne peut se mouvoir ou Achille qui ne peut rattraper la tortue. Pour le premier, imaginons une flèche en vol. Zénon conçoit qu’elle reste immobile parce que, à tout moment donné, elle se trouve à un point déterminé de l’espace ; donc, à chaque instant, elle est au repos (1). Autrement dit, si le temps est une succession d'instants et que chaque instant est un moment où le temps est arrêté, la flèche est toujours immobile, le mouvement impossible. Il s’agit là de contradictions dans le raisonnement, une aporie nous dit le dictionnaire (1), que depuis lors les outils mathématiques ont permis de lever. La résolution de ces paradoxes n’altère en rien leur beauté, ni celle des vers contenus dans la vingt-et-unième strophe du cimetière marin de Paul Valéry : Zénon ! Cruel Zénon ! Zénon d’Élée ! / M’as-tu percé de cette flèche ailée / Qui vibre, vole, et qui ne vole pas ! / Le son m’enfante et la flèche me tue ! / Ah ! le soleil… Quelle ombre de tortue / Pour l’âme, Achille immobile à grands pas !

    Terminons là notre propre révolution avec deux autres éléments qui participent de cet élan céleste. Le premier est un anneau nasal pour bovin prolongé de sa tige ; silhouette qui n’est pas sans rappeler la fière et bravache posture du matador, reins creusés, torse bombé. Le mouvement tout en verticalité ondulante se poursuit et s’achève avec la queue préhensible à l’allure musicale de l’hippocampe, encore qu’elle dût s’enrouler vers l’intérieur. Parachevant ce tour de piste, des petits personnages, clous fraîchement sortis de l’estampure du fer à cheval, veillent au bon équilibre de l’édifice.

    (1) https://www.cnrtl.fr/definition/aporie

    Découvlire la Nouvelle circulaire n°4, Zénon

  • Découvlire Nouvelle circulaire n°5, Narcisse

    • Le 15/06/2022

    Nouvelle circulaire n°5, Narcisse

    Ce tableau s’intitulerait Autoportrait d’une bouche en fleur que je n’en serais pas surpris. Deux amples mouvements de manche sans barreau, en toute impudence, traversent la scène. L’un, qui est un rapide et mauve tour d’horizon, présente à l’orifice un miroir de rêves, ou berceau des illusions ; l’autre, dans un plan vertical, est la régurgitation par cette même bouche en fleur, d’un stylet, défini comme une dague effilée et flexible. Notons qu’ailleurs, chez les insectes piqueurs-suceurs, genre punaise ou puceron, le stylet est la pièce buccale piqueuse en forme de soie rigide, allongée dans la cannelure du rostre. Rien de tout cela dans notre affaire, le stylet est crayon ou pointe de dessin. Entre le carnet de dessin et le miroir se tient un arbitre en nacelle. Lui, n’est pas libre de mouvement. Faut-il voir dans cet Autoportrait d’une bouche en fleur une revisitation du mythe de Narcisse ? En voici le résumé en moins de deux-cent quatre-vingt signes. Narcisse s'éprend d'amour pour le reflet de son visage que lui renvoie l'eau au point d’en oublier de boire et de manger. Prenant racine au bord de l'étang, il se transforme en la fleur qui porte son nom et qui, depuis, se reflète dans l'eau à la belle saison, pour dépérir à l'été. Il faudrait bien plus de caractère pour envisager toutes les significations du mythe de Narcisse : estime de soi versus égocentrisme, égoïsme, amour de soi comme refus de l’autre, dédoublement de la personnalité… Chacun porte en soi les mythes sans le savoir et s’il y a mythe c’est qu’il y a universalité, et actualité. Cet autoportrait n’est pas photographique et les matériaux utilisés sont rudimentaires. Faut-il y voir cependant une forme de selfie, cette manière toute contemporaine de se mettre en avant et de se promouvoir, une quête d’admiration dans un miroir inversé ? Nul ne sait en tout cas si ce portrait rejoindra l’impétueux flot des images sur la toile ; transportons-nous plutôt à Rome pour y voir le somptueux Narcisse du peintre milanais Michelangelo Merisi, dit Caravage.

    Finalement, peut-être qu’au jour de la réalisation de cette sculpture, j’étais sous l’emprise de l’art floral de Michel Houellebecq... Les fleurs ne sont que des organes sexuels, des vagins bariolés ornant la superficie du monde, livrés à la lubricité des insectes (1). Car depuis lors, l’attention que je porte à toutes les fleurs s’en est trouvée bien modifiée…

    1. Michel Houellebecq, La carte et le territoire, Flammarion

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  • Découvlire Nouvelle circulaire n°6, A.Dürer

    • Le 01/06/2022

    Nouvelle circulaire n°6, A.Dürer

    Ici on ouvre l’œil.

    L’œil est la partie d’un outil où s’adapte le manche.

    Deux yeux sont ouverts. Le premier est celui d’une tarière à spirale que l’histoire a déclassée. Ayant perdu son manche, l’œil ici devient tête. La mèche est perpendiculaire à l’œil-tête, en son milieu. Seule la base en est conservée, bout métallique de section carrée qui va se fixer en surface de l’autre œil-tête, issu d’une pelle à manche en bois.

    Regards de vieux cabossés qui se parent de leurs qualités et d’insatiété. L’un est habile sur sa roue et se vêt de feuillets. S’approchant on verra qu’on y parle d’Albrecht Dürer, dessinateur, graveur et êintre allemand de la Renaissance. Il fut artiste de la précision dans le trait et, sa vie durant, interrogea son propre visage. A la fin de sa vie, il convint que l'expression suprême de l'art est la simplicité. 

    A la couleur jaune des feuillets répond le violet du bas du corps d’en face, deux tiges courbées traçant le quartier d’un fruit oblong, ou une voile c’est selon.  Deux autres pièces de métal incurvées en prolongent le mouvement, jusqu’au sommet.

    Les corps ondulent, le geste est allègre et la pensée flottante. Mouvement, toujours, Immobile à grands pas.

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